Le gouvernement envisage de baisser les taxes sur l’électricité sans toucher au tarif réglementé, mais le résultat se verra-t-il sur la facture ?

Création : 8 décembre 2018
Dernière modification : 17 juin 2022

Auteur : Jean-Paul Markus

Source : Le Monde, 7/12/2018

La réduction des taxes sur l’électricité destinée à compenser l’augmentation légale du prix du kilowattheure est possible au 1er janvier 2019. Mais il faut modifier la loi et espérer que les fournisseurs répercutent bien cette baisse.

Le gel du prix de l’électricité était une revendication des gilets jaunes, mais juridiquement intenable sans enfreindre la loi et surtout le droit de l’Union européenne (car la loi, on peut la modifier, mais c’est plus difficile s’agissant du droit de l’Union). Dans un précédent surlignage, nous montrions que le fait de geler le tarif réglementé de l’électricité était contraire à la loi, ce qui à vrai dire n’était secret pour personne : le juge l’avait déjà dit à au moins trois reprises.

C’est pourquoi le gouvernement change son fusil d’épaule : tout en laissant le tarif réglementé évoluer normalement au 1er janvier 2019, c’est-à-dire en fonction du coût de production de l’électricité, il est décidé de baisser d’autant les taxes qui pèsent sur le kilowattheure. Mais le résultat se verra-t-il sur la facture ?

Ces taxes s’ajoutent au prix du kilowattheure. C’est le fournisseur qui sert de percepteur en établissant la facture à son client. Il s’agit de :

• la TVA de 20 % (mais il n’est pas question d’y toucher),
• la contribution au service public de l’électricité, qui est une taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité prévue par le code des douanes (env. 13%),
• la taxe départementale sur la consommation finale d’électricité prévue par le code général des collectivités territoriales (env. 2%),
• la taxe communale sur la consommation finale d’électricité prévue par le même code (env. 4%).

En baissant ces taxes, le gouvernement devrait faire baisser la facture totale d’électricité (c’est-à-dire prix du kilowattheure + taxes). Mais à condition que les fournisseurs d’électricité répercutent intégralement la baisse des taxes ! Or ils peuvent tout à fait profiter de la baisse des taxes pour augmenter les prix hors taxes du kilowattheure discrètement, comme en leur temps les restaurateurs l’avaient fait lorsque la TVA avait été ramenée de 19,6 % à 5,5 % et 10% (ce qu’a dénoncé la Cour des comptes), ou encore, dans un autre registre, comme le font les entreprises pétrolières lorsque le prix du baril baisse. Pour les clients en tarif réglementé toutefois, cette baisse de taxe sera bien répercutée.

Autre obstacle, toutes ces taxes ont été inscrites dans la loi, par le Parlement, à l’occasion du vote en décembre 2017 de la loi de finances pour 2018. Le gouvernement ne peut les baisser de lui-même. Il lui faut soit profiter de la discussion en cours de la loi de finances pour 2019 si la discussion n’est pas trop avancée, soit faire voter au parlement une loi de finances rectificative pour 2018. On voit mal le Parlement s’y opposer, mais ce sera bien plus long qu’une simple décision gouvernementale.

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