Le GIEC, est-il un « clone de l’ONU », comme l’affirme le climatosceptique Christian Gerondeau ?
Dernière modification : 18 août 2024
Autrice : Lili Pillot, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Lili Pillot, journaliste
Source : Post Instagram, le 9 août
Sur la chaîne d’extrême droite TV libertés, le climatosceptique Christian Gerondeau affirme que le GIEC n’est pas un « groupe d’experts » du climat, mais seulement un « clone de l’ONU ». C’est faux : si l’instance émane des Nations Unies, elle réunit bien des spécialistes de l’environnement, chargés de vulgariser et d’informer les politiques sur le changement climatique.
Pour qu’il y ait mensonge, il faut au moins qu’il y ait tentative de cacher la vérité. Selon le climatosceptique notoire Christian Gerondeau, qui est membre de l’association des « climato-réalistes », le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), serait une imposture.
Et ce, depuis sa création en 1988 : “C’est un mensonge d’origine qui remonte à une trentaine d’années. […] Le GIEC n’est pas un groupe d’experts. C’est un clone de l’ONU”, clame-t-il sur le plateau de la chaîne d’extrême droite TV Libertés, comme pour nous faire découvrir une vérité cachée.
Cette thèse permet ensuite à l’essayiste d’étaler sa pensée climatosceptique : les membres du bureau ne seraient en rien des scientifiques, spécialistes du climat. “Le GIEC n’est pas un groupe d’experts, il fait travailler des experts”, martèle-t-il.
En réalité, l’origine onusienne du GIEC n’a jamais été occultée. Il n’y a pas de “mensonges” sur l’existence de l’instance ou de son fonctionnement. Qui plus est, les membres de bureau sont bien des scientifiques, triés sur le volet, chargés de sélectionner à leur tour des experts chargés de rédiger les rapports.
Le GIEC, une création de l’ONU pour influer sur la politique
À sa création, en 1988, le but du GIEC est clair : “fournir aux décideurs politiques des évaluations scientifiques régulières sur l’état actuel des connaissances en matière de changement climatique”, précise son site internet.
Le principal objectif du GIEC est donc intrinsèquement lié à la politique internationale et l’ONU. L’organe a d’ailleurs été créé au sein des Nations Unies, par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
Toutes ces informations sont de notoriété publique et largement relayées dans divers articles. Comme sur ce site belge, ou encore sur une page web du ministère de la Transition écologique. Il est donc faux de dire que l’existence du GIEC est basée sur un mensonge.
Parce qu’elle émane de l’ONU, l’organisation est composée de 195 membres, que sont les 195 États membres de l’OMM et du PNUE. Pour Christian Gerondeau, c’est la preuve que le GIEC n’est qu’une mascarade. “Vous pensez que les 195 pays ont des experts en climat ? Les experts en climat, on les compte sur une main ou deux. Donc qu’est-ce qu’ils font ces pays ? Ils désignent, pour les représenter, des diplomates, des gens qui généralement n’y connaissent rien en climat. Ce ne sont en rien des scientifiques”, assure-t-il.
Économiste du climat et président du GIEC, c’est possible
Pour prouver son raisonnement, Christian Gerondeau prend l’exemple des deux anciens présidents du GIEC. Le Sud-Coréen Hoesung Lee et l’Indien Rajendra Pachauri : “Monsieur Hoesung Lee est économiste, pas du tout climatologue. Et son prédécesseur, c’est encore mieux : Monsieur Rajendra Pachauri était ingénieur des chemins de fer. Quel rapport avec le climat ? Aucun !”, indique-t-il, sûr de lui.
Si Hoesung Lee est effectivement économiste, “ses recherches portent sur l’économie du changement climatique, de l’énergie et du développement durable”, précise sa biographie de présentation. « Ce chercheur distingué, spécialiste de l’énergie, a en fait consacré toute sa vie aux interactions entre économie et climat« , rappellent nos confrères des Échos, qui ont publié son portrait. Une spécialité que, visiblement, Christian Gerondeau a oublié de mentionner.
Quant à Rajendra Pachauri, il a reçu plusieurs récompenses pour ses travaux sur le climat.
Ces profils n’ont rien d’étonnant, nous explique Robert Vautard, climatologue et co-président du groupe 1 du GIEC. “Le climat est une matière très interdisciplinaire. On a toutes et tous une discipline de référence, dans laquelle on est spécialiste. Moi, par exemple, je n’y connais pas grand-chose en économie du climat. Au niveau de la présidence, tous les membres du bureau sont des scientifiques”, précise-t-il.
Consensus entre scientifiques et politiques
Le climatologue admet cependant que la fonction de président demande aussi beaucoup de compétences diplomatiques. “Le rôle du président(e) et des coprésident(e)s ce n’est pas de décider des choses, mais d’organiser du consensus avec les politiques. Le GIEC est une organisation qui fonctionne par consensus”.
En effet, le GIEC n’est ni un laboratoire de recherche ni une association qui lutte pour la préservation de l’environnement. C’est une organisation qui regroupe à la fois des décideurs politiques et des scientifiques. “Le GIEC est composé de trois groupes : l’assemblée générale, composée des États membres, les membres du bureau, élus par l’assemblée, et les auteurs du GIEC, sélectionnés par le bureau sur des critères de qualité de leur travail scientifique”, explique Jean Jouzel, climatologue et ancien membre du bureau.
Toutes ces personnes ont ensuite pour mission de trouver un terrain d’entente sur la marche à suivre concernant l’environnement et le changement climatique. “La force des rapports du GIEC, c’est précisément qu’ils sont produits de manière consensuelle entre scientifiques et gouvernements. Du coup, ils peuvent être utilisés comme source unique lors des sommets environnementaux”, conclut Robert Vautard.
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