Le député François Jolivet (LREM) veut engager la responsabilité pénale des parents pour des actes commis par leurs enfants mineurs

Création : 23 avril 2021
Dernière modification : 22 juin 2022

Auteur : Amaury Bousquet, avocat au barreau de Paris

Source : France Bleu, 21 avril 2021

En droit, la règle veut qu’une personne soit pénalement responsable des faits qu’elle a personnellement commis, ou dont elle est complice. Il est très peu probable que cette future proposition de loi soit adoptée ou promulguée, car elle risquerait d’être contraire à la Constitution.

L’encre de la loi instituant un Code de la justice pénale des mineurs est encore humide que François Jolivet, député de l’Indre, propose d’étendre le champ d’application de la complicité afin de mettre en cause la responsabilité pénale de parents au titre des infractions pénales commises par leurs enfants mineurs. Le député souhaite apporter une solution à la délinquance des mineurs, et l’idée, qui a le mérite d’être iconoclaste, est « peu explorée » selon ses mots. Elle apparaît toutefois difficile à mettre en œuvre.

Les parents sont d’ores et déjà responsables de leurs enfants mineurs devant les juridictions civiles, et ce, sans qu’une faute de leur part ne soit à démontrer. La proposition de François Jolivet – partant du postulat que « nous avons beaucoup de mineurs qui commettent des crimes à des heures où ils ne devraient pas être en liberté mais sous le contrôle de leurs parents » – viserait donc à faire des parents les complices des infractions commises par leurs enfants mineurs. Ce qui ne constituerait rien de moins qu’une petite révolution du droit pénal. Or, cette proposition devrait avoir bien du mal à aboutir

La complicité suppose l’intention du complice

La complicité est un mode d’imputation en vertu duquel une personne qui n’a pas directement commis une infraction se voit considérée comme ayant participé à la réalisation de cette infraction, et doit donc être punie dans les mêmes conditions que l’auteur : même s’il ne commet pas personnellement l’infraction, le complice s’y associe volontairement et c’est pourquoi il est punissable.

La complicité suppose toutefois l’intention du complice de faciliter, en connaissance de cause, la commission de l’infraction.

Cette intention est claire quand le complice provoque ou incite à l’infraction, ou qu’il donne des instructions pour commettre l’infraction (premier cas de complicité). L’intention est en revanche plus difficile à établir lorsque la complicité suppose une aide ou une assistance (deuxième cas de complicité).

En somme, ce qui serait reproché aux parents, si cette proposition aboutissait, serait d’avoir « failli » à une quelconque norme éducative ou, en d’autres termes, de ne pas avoir « suffisamment » surveillé leurs enfants, les mettant consciemment en position de commettre une infraction (selon le député, « le problème de la violence des mineurs  peut aussi être celui d’un déficit d’éducation« ). Toutefois, l’intention pour le parent serait probablement trop lointaine pour être retenue au titre de la complicité. Cette intention résulterait au mieux d’un contexte ou d’un présupposé. Elle se déduirait, sinon, d’une négligence ou d’une imprudence qui, même avérée, n’est pas assimilable à de la complicité.

La responsabilité personnelle de ses actes est un principe cardinal du droit pénal

Le droit pénal moderne compte, au nombre de ses principes cardinaux, celui de la responsabilité personnelle : en dehors d’exceptions strictement prévues par les textes, une personne ne peut être poursuivie au plan pénal pour l’infraction commise par un autre (ce qui est, en revanche, possible au plan civil). Le Conseil constitutionnel a reconnu dès 1999 que ce principe de responsabilité personnelle avait une valeur constitutionnelle. Une loi ne peut donc pas s’y soustraire.

La proposition de François Jolivet vise-t-elle à critiquer un parent dont l’enfant a commis une infraction parce que ce parent aurait – en l’absence d’intention délictueuse mais au contraire dans le respect des obligations que la loi et semble-t-il l’une des plus vieilles logiques de l’humanité font peser sur tout parent à l’égard de ses enfants – apporté ou maintenu un soutien à cet enfant ? S’agit-il de donner une « coloration pénale » à des défaillances éducatives supposées, ici imputables aux parents ?

La viabilité de cette proposition au regard du principe de responsabilité personnelle de ses actes en droit pénal n’est en somme pas garantie. Par ailleurs, il serait difficile en pratique de démontrer l’intention du parent de faciliter l’infraction de son enfant mineur.

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