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Le déploiement des CRS en Martinique est-il vraiment inconstitutionnel ?

Création : 30 septembre 2024

Auteur : Hugo Guguen, juriste 

Relecteurs : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers et Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 22 septembre 2024

Selon certains internautes, le déploiement de CRS en Martinique constituerait une violation des “droits constitutionnels”. En réalité, cette décision n’enfreint aucune norme juridique, mais simplement un accord tacite vieux de 65 ans et dépourvu de valeur juridique.

Ils n’avaient pas mis les pieds en Martinique depuis 65 ans. Le retour de la compagnie républicaine de sécurité (CRS) sur l’île des Antilles, le 21 septembre dernier, est une première depuis les émeutes de “décembre noir”, qui avait coûté la vie à trois jeunes martiniquais en 1959. 

Ce retour des CRS intervient dans un contexte de vives tensions sur l’île depuis le début du mois de septembre. De violentes émeutes ont éclaté dans un contexte de mobilisation contre la vie chère

En réaction à ces incidents, le préfet de la Martinique, Jean-Christophe Bouvier, a annoncé l’instauration d’un couvre-feu partiel dans certains quartiers de Fort-de-France ainsi qu’un renfort de la présence des forces de l’ordre. C’est dans ce contexte que, ce samedi 21 septembre, la huitième Compagnie Républicaine de Sécurité (CRS 8) a été déployée en Martinique. 

Une première depuis 65 ans

L’arrivée de cette compagnie sur le sol martiniquais revêt un caractère symbolique fort. La CRS 8 est accusée par de nombreux habitants martiniquais d’avoir réprimé de manière disproportionnée les émeutes de décembre 1959. 

Ainsi, sur les réseaux sociaux, des internautes s’insurgent contre cette présence. Certains y voient même une “violation de la constitution”. 

Aucune violation constitutionnelle  

Vérification faite, la Constitution française ne prévoit, dans ses articles, aucune disposition interdisant le déploiement de CRS en Martinique. Leur arrivée sur le sol martiniquais n’est donc pas une violation d’une quelconque norme juridique et encore moins d’une violation des droits constitutionnels. 

Un seul article de la constitution mentionne nommément la Martinique. Il s’agit de l’article 72-3, qui “reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité. Rien à voir donc avec un quelconque encadrement du maintien de l’ordre.  

Confusion de normes 

Selon toute vraisemblance, les internautes font une confusion entre les normes constitutionnelles et un accord tacite passé entre les élus martiniquais et les gouvernements français successifs, vieux de 65 ans.

En effet, la demande des pouvoirs publics locaux de retirer les CRS de Martinique avait été acceptée par le gouvernement de Michel Debré, en janvier 1960. Les policiers ont ainsi été remplacés par des gendarmes. 

Jusqu’à aujourd’hui, aucun gouvernement ne s’était risqué à déroger à cette entente. Pour autant, cet accord ne repose sur aucun texte juridique et encore moins constitutionnel.

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