L’Arcom aurait-elle dû réagir aux nominations d’élus politiques aux conseils d’administration de FTV et Radio France ?
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relecteur : Philippe Mouron, professeur de droit privé, directeur du Master Droit des communications électroniques université d’Aix-Marseille
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 4 octobre 2024
Bien que le respect du pluralisme politique constitue l’une des missions essentielles confiées à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), contester la nomination d’un membre du conseil d’administration de Radio France ou de France Télévisions ne relève pas de ses prérogatives.
Le 3 octobre 2024, l’ancienne porte-parole du gouvernement de Gabriel Attal, Prisca Thevenot, fait son entrée au conseil d’administration de Radio France. Le même jour, Emmanuel Grégoire, député du Parti socialiste et ancien adjoint d’Anne Hidalgo à la mairie de Paris, intègre le conseil d’administration de France Télévisions.
Ces nominations n’ont pas laissé de marbre de nombreux internautes qui ont exprimé leur mécontentement sur les réseaux sociaux. Sur Facebook comme sur X , les internautes débattent du choix des nominés qui n’auraient “aucune compétence et aucune légitimité à ce poste”.
Pour certains, il s’agit de “recyclage des ministres Macronistes dans le service public”, pour d’autres une “atteinte au pluralisme des médias” qui mérite une intervention de l’Arcom. Si chacun est libre de critiquer ces nominations, en appeler à l’Arcom relève d’un cri dans le désert. En effet, leurs demandes ne relèvent pas des compétences de l’autorité publique indépendante chargée de garantir la liberté de communication et le respect des lois dans le secteur audiovisuel.
Des prérogatives définies par la loi
L’Arcom est née le 1er janvier 2022 de la fusion du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) et de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). Il s’agit d’une autorité publique indépendante qui assure une mission de régulation des communications audiovisuelle et numérique. De plus, elle veille à la bonne application de textes européens par la France tels que la directive « Services de médias audiovisuels », et le règlement sur les services numériques (DSA).
Parmi ses prérogatives, définies notamment dans l’article 3-1 de la loi Léotard, relative à la liberté de communication, l’Arcom doit attribuer les fréquences assignées à l’audiovisuel, superviser les plateformes et les réseaux sociaux afin de lutter contre la désinformation ou contre la haine en ligne. Finalement, l’Arcom a également pour mission d’assurer le pluralisme. C’est au nom de cette dernière que les internautes estiment que l’autorité de régulation pourrait intervenir au regard des nominations de Prisca Thevenot et d’Emmanuel Grégoire.
Cette mission de garantie du pluralisme et de la déontologie des programmes pour l’Arcom passe par l’équilibre des temps de parole des personnalités politiques dans les médias audiovisuels. Un sujet qui n’est pas étranger aux Surligneurs.
Ce contrôle exercé par l’Arcom a été précisé dans une jurisprudence du Conseil d’État de février 2024. Selon ce dernier, le régulateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans l’exercice des prérogatives qui lui sont conférées par la loi et que “le pluralisme de l’information ne se limite pas au temps de parole des personnalités politiques”. Pour assurer le respect de la loi, l’Arcom doit également, selon le Conseil d’État, tenir compte des interventions de l’ensemble des participants aux programmes diffusés, y compris les chroniqueurs, animateurs et invités.
Toutefois un contrôle de la composition du conseil d’administration ne fait pas partie de ces prérogatives. Un tel contrôle n’est ni mentionné dans les missions de protection du pluralisme politique de l’Arcom, ni dans les clarifications apportées par le Conseil d’État dans sa jurisprudence.
Des conseils d’administration avec des représentants du Parlement
Quand bien même l’Arcom aurait pour mission de superviser les nominations des membres du conseil d’administration de sociétés nationales d’information, elle ne pourrait répondre aux attentes des internautes, étant donné que ces nominations se sont faites en toute légalité et ne violent pas le pluralisme politique.
En effet, le conseil d’administration de Radio France est composé de 12 personnes, en plus du président de Radio France : 4 personnes indépendantes nommées par l’Arcom, 4 représentants de l’État, 2 parlementaires de la commission des affaires culturelles et 2 représentants du personnel élus. C’est en tant que représentante de l’Assemblée nationale que Prisca Thevenot remplace son prédécesseur Jérémie Patrier-Leitus, député d’Horizons, au sein du conseil d’administration.
De manière similaire, le conseil d’administration de France Télévisions comprend, outre le président, 14 membres : 5 administrateurs représentant l’État, 5 administrateurs étant des “personnalités qualifiées”, 2 administrateurs représentant les salariés et enfin 2 administrateurs représentant le Parlement, dont Emmanuel Grégoire fait partie depuis peu.
Ces nominations sont légales en ce qu’elles sont conformes aux articles 47-1 et 47-2 de la loi de 1986 relative à la liberté de communication. Ces articles encadrent en effet la composition des conseils d’administration de France Télévisions et Radio France. Ils précisent que les députés et sénateurs qui y siègent sont désignés par les commissions chargées des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Par conséquent, l’Arcom ne manque pas à sa mission de défense du pluralisme politique, comme l’affirment certains internautes. Le contrôle de nominations d’élus politiques, par ailleurs légales, aux conseils d’administration de France Télévisions et Radio France ne fait pas partie des prérogatives de l’autorité.
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