L’ancien porte-parole de Jean-Luc Mélenchon affirme que la France est prise dans un “carcan européen”

Création : 15 octobre 2021
Dernière modification : 24 juin 2022

Auteurs : Sarah Thomas, Naël Leites, Hugo Leroux, master droit de l’Union européenne, Université de Lille

Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au VIP, Université Paris-Saclay

Source : FigaroVox, 5 septembre 2021

Dire que l’Union européenne est un « carcan » pour la France, c’est oublier que le droit que produit l’Union n’est pas un amas de normes rédigées par des technocrates, mais des lois européennes discutées et adoptées par le Parlement européen et les États membres, ces mêmes États-membres qui, à l’unanimité, ont rédigé et adopté les traités européens. Il faut aussi rappeler que sur le plan économique, une large marge de manœuvre leur est laissée.

Georges Kuzmanovic, président du parti République souveraine, est candidat à l’élection présidentielle de 2022. Ce dimanche, lors d’une réunion organisée par l’Association des Amis de Coralie Delaume à Montélimar, l’ancien porte-parole de la France insoumise a déclaré que « le carcan européen, s’il n’est pas brisé, condamne le futur locataire de l’Élysée à l’impuissance ou à la reproduction de la politique d’Emmanuel Macron ». S’il est vrai que la France n’est pas totalement libre dans la détermination de sa politique économique en raison de son appartenance à l’Union économique et monétaire, la métaphore du carcan est très exagérée.

L’Union européenne s’est construite par la volonté des États souverains

Tout d’abord, le « carcan européen » dénoncé par Georges Kuzmanovic n’est pas étranger à la volonté des États. Si on appréhende cette métaphore comme l’ensemble des obligations qui incombent aux États membres en vertu de leur appartenance à l’Union européenne, il faut préciser que de telles obligations sont le fruit d’une prise de décision commune entre États souverains. En effet, les États membres signent et ratifient les traités à l’unanimité. En outre, ils adoptent la législation européenne à la majorité qualifiée (55% des États représentant 65% de la population européenne), aux côtés d’un Parlement européen élu directement par les citoyens.

La politique économique de la France dictée par Bruxelles ?

Comme chaque État membre de l’Union européenne, la France est libre de décider de la répartition de ses dépenses publiques (éducation, santé, retraite, défense, etc.). Seulement, étant membre de l’Union économique et monétaire, sa politique économique est discutée au sein de l’Union européenne. Dans le cadre du « semestre européen » ce sont les États membres qui définissent les orientations économiques qu’ils vont suivre au cours de l’année, des orientations qu’ils prennent dans le but de faire respecter les règles communes (par exemple, la limitation du déficit à 3%, un des critères du traité de Maastricht), que les États se sont fixés eux-mêmes.

Il est vrai que, le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit une politique économique qui doit être respectueuse “du principe d’une économie de marché ouverte où la concurrence est libre” (article 120). Mais cet article n’est pas d’effet direct, c’est-à-dire qu’il laisse une certaine marge de manœuvre aux États sur leur politique économique. Les États peuvent décider d’adopter des politiques économiques sociales ou libérales sans que l’Union européenne ne vienne le leur reprocher.Pour respecter le critère des 3% de déficit – dont les règles d’application sont en réalité très souple – libre à la France de réduire les dépenses ou non, d’augmenter ou baisser les impôts, ou de jouer sur d’autres leviers.

L’idée difficilement concevable d’un référendum sur la primauté du droit de l’Union européenne

S’il était élu président de la République, M. Kuzmanovic évoque sa volonté d’organiser un référendum pour poser la question suivante : « Souhaitez-vous que le droit national prime sur le droit de l’Union européenne ? ». Or, comme Les Surligneurs l’ont déjà rappelé dans un précédent article, un tel référendum aurait de graves conséquences sur la place de la France dans l’Union européenne. Cette question qui pose celle de la primauté du droit de l’Union, principe fondamental, est problématique au regard du droit de l’Union européenne. Si la France souhaitait ne plus respecter ce principe, cela nécessiterait probablement un Frexit

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Mise à jour le 16 octobre 2021 à 9h42 : Retrait de la mention selon laquelle M. Kuzmanovic n’a pas répondu. Changement du tag « Problématique » en « À nuancer » à la suite d’une erreur de publication.

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