Crédits : Whispyhistory (CC4.0 - photo modifiée)

L’agence américaine du médicament n’a pas confirmé une présence excessive d’ADN résiduels dans le vaccin Pfizer contre le Covid

Création : 24 janvier 2025

Auteur  : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relectrice  : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article  : aucun

Secrétariat de rédaction  : Hugo Guguen, juriste

Source : Compte Facebook, le 5 janvier 2025

Une « étude de la FDA » présentée comme une « véritable bombe » autour de la présence non réglementaire d’ADN dans le vaccin Pfizer fait pschitt. L’étude, en réalité, peu solide, a été réalisée par trois lycéens avec des méthodes qui ne font pas consensus dans des locaux de la FDA.

Cinq ans après, le Covid-19 continue d’alimenter en rumeurs et « scoops » les réseaux sociaux.  Sur les réseaux sociaux, des internautes affirment tenir la preuve que le vaccin produit par Pfizer contiendrait, bien au-delà des seuils réglementaires, des traces d’ADN. De quoi, selon certains, valider une théorie déjà évoquée par Didier Raoult

« Un laboratoire de la FDA découvre une contamination excessive de l’ADN dans les ‘vaccins’ Covid19, défendent des internautes. Des révélations explosives alors qu’une étude menée par le laboratoire de la FDA a révélé que les niveaux d’ADN résiduel dépassaient les limites de sécurité de 6 à 470 fois. Les experts affirment qu’il s’agit d’une ‘preuve irréfutable’. »

Si aucune étude du genre n’est consultable sur le site de la FDA, les publications mettent en avant l’article du blog d’une certaine Maryanne Demasi. 

Pas de sources

Sur son compte X, Maryanne Demasi se présente comme une « journaliste d’investigation, docteur, chercheur, présentateur/producteur de télévision ». L’article de son blog (en anglais) sur les fameux niveaux d’ADN résiduels qui seraient au-delà des limites de sécurité se base sur une publication en ligne qui aurait permis à « la bombe » d’exploser. 

Toutefois, après lecture et enquête, l’étude en question ne se révèle être finalement qu’un pétard mouillé. Et ce, pour plusieurs raisons. 

Premièrement, l’emploi du mot « expert » semble quelque peu galvaudé. Présentée comme le fruit « d’étudiants-chercheurs sous la supervision de scientifiques du FDA », l’étude citée a été menée par trois lycéens américains. L’information n’est même pas cachée sur le blog susmentionné. Elle est aussi logiquement mise en avant sur le site internet du lycée des étudiants. 

Ainsi, les « révélations explosives », largement relayées et commentées grâce aux pouvoirs des réseaux sociaux, ne reposent que sur les travaux de lycéens et non sur celui de scientifiques chevronnés.

Un travail réalisé par des lycéens

Quant à la « revue scientifique » qui publie le travail des étudiants, il s’agit plus précisément d’une revue en ligne qui « présente les idées et les contributions innovantes des lycéens dans le domaine des sciences, de la technologie, de l’ingénierie, des arts et des mathématiques. », si l’on se réfère aux indications disponibles sur son site internet. 

Pour ce qui est du rôle de la FDA (Food and Drug Administration), il est en réalité bien moins important que suggéré. Si l’étude a bien été menée dans un laboratoire de l’agence américaine comme il l’est précisé page trois, ou a impliqué – sans en connaître l’échelle – trois de ses membres, elle affirme dans un mail aux Surligneurs « que les informations et les données présentées dans l’étude n’appartiennent pas à la FDA et qu’il n’appartient pas à l’agence de les divulguer ».

Une explication corroborée par les précisions inscrites dans le paragraphe réservé aux remerciements. Il y est stipulé, notamment, que « cette publication ne contient que les opinions des auteurs et ne reflète pas les points de vue ou les politiques du ministère de la Santé et des Services sociaux ». Or, comme on peut le lire sur le site de l’agence, « la FDA fait partie du ministère de la Santé et des Services sociaux. »

Démenti par la FDA

En d’autres termes, il est trompeur de dire que la FDA confirme les informations publiées dans l’étude comme le fait le post, ou Didier Raoult sur X. « La FDA aux États-Unis vient de confirmer la présence, au-delà des règles, d’ADN dans le vaccin Pfizer », écrit-il notamment le 5 janvier, comme un moyen, semble-t-il, de légitimer son avis sur le sujet. 

Contacté également par Les Surligneurs, le Journal of High School Science ne semble pas vouloir donner trop d’écho à l’affaire et nous renvoie « aux informations inscrites dans le manuscrit afin d’éviter de citer des déclarations isolées et du verbiage pris hors contexte. »

Enfin, sur le fond, si l’étude estudiantine indique bien que les recherches menées ont permis de déceler dans « six flacons » de l’ADN résiduel 6 à 470 fois supérieur à la norme réglementaire, leur méthodologie est remise en question par des spécialistes.

Les étudiants eux-mêmes sont sur la retenue et utilisent une formule prudente en recourant à l’expression « appears to be » – « semble être » en français – et précise aussi que « l’étude est limitée par la taille de l’échantillon. » « Les auteurs s’expriment de façon relativement prudente, mais c’est une fausse prudence qui cherche à tromper » estime d’ailleurs Alexander Samuel, professeur de mathématiques et docteur en biologie moléculaire, interrogé par Les Surligneurs.

Sur X, Lonni Besançon, chercheur et professeur d’Université en Suède, alerte sur les deux méthodes employées par les lycéens pour arriver à leurs résultats. « La première ne peut pas correctement distinguer l’ARNm de l’ADN. Les auteurs eux-mêmes le disent. C’est donc inintéressant », écrit-il notamment dans un fil le 3 janvier. Quant à la deuxième, ajoute-t-il, « le fabricant explique directement que la validité de cette méthode est nulle ! » Des arguments auxquels s’associe Alexander Samuel. 

Enfin, même l’étude peu solide stipule que « le risque potentiel pour la santé que représentent les petits fragments d’ADN résiduels est actuellement inconnu », est-il, indiqué page 10. Ce qui n’a pas empêché un chef d’entreprise médical de conclure que cette étude aurait mis en évidence un mécanisme « potentiellement cancérigène de contamination par l’ADN dans les vaccins », rapporte toujours Maryanne Demasi.

« Avec plus d’un milliard de doses de vaccins ARNm administrées, aucun problème de sécurité lié à l’ADN résiduel n’a été identifié », rappelle pour sa part la FDA dans son échange avec Les Surligneurs

Aussi, de nombreux articles de fact-checking ont déjà contré, par le passé, de semblables allégations concernant un présumé lien entre vaccination et cancers ou maladies (AFP ; The Associated Press ; FactCheck.org, Science Feedback, Full Fact, Reuters). Avec le Covid-19, le temps passe, mais la désinformation, elle, reste toujours d’actualité.

 

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