La vidéo de la femme de « Torenza » est issue d’une vieille téléréalité américaine sur une compagnie aérienne
Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Source : Compte Facebook, le 12 octobre 2025
De fausses vidéos assurent qu’une femme serait arrivée à l’aéroport de New York avec un passeport d’un pays qui n’existe pas, Torenza. L’histoire est complètement fausse et l’image est issue d’une téléréalité du début des années 2000.
Un pays qui n’existe pas, une femme qui disparaît devant des agents de sécurité et une musique d’ambiance angoissante. Voilà encore un cocktail de viralité toujours pas démenti. Sur les réseaux sociaux, une histoire s’est répandue à propos d’une femme, un voile sur les cheveux, et qui se serait présentée dans un aéroport new-yorkais avec un passeport issu d’un pays qui n’existe pas, « Torenza », avant de disparaître mystérieusement.
Les publications qui reprennent ce narratif se comptent par milliers sur Youtube, Facebook, Instagram, TikTok et Reddit. Les comptes rivalisent de superlatifs pour accrocher l’internaute et l’inciter à regarder sa vidéo. « Cette femme a choqué le monde entier ! La mystérieuse Torenza fait parler d’elle sur toutes les plateformes », décrit un internaute.
Pourtant, tout est faux.
De l’IA et des vidéos d’archives
Différentes vidéos circulent concernant cette soi-disant femme arrivée de Tokyo à l’aéroport JFK de New York, et qui aurait mystérieusement disparu. Mais la première vidéo que l’on peut retrouver qui présente l’histoire de cette fameuse citoyenne de Torenza a circulé à partir du 8 octobre 2025 – date à laquelle les internautes commencent à rechercher « Torenza » dans le moteur de recherche Google. Le 12 octobre, c’est le pic d’intérêt pour cette histoire et l’histoire est reprise à tout va sur les réseaux sociaux.

Données : Google Trends. Logiciel :Flourish. Crédit : Les Surligneurs
Sur Instagram, la vidéo est partagée pour la première fois vers 9 heures du matin, le 8 octobre, mais il semblerait que celles-ci ne sont qu’un repartage d’une vidéo publiée initialement sur TikTok.
Plusieurs vidéos qui avaient été publiées le 8 octobre sur ce sujet ont été supprimées de la plateforme (ici et ici), mais d’autres sont toujours en ligne. Comme ce compte qui ne publie que des vidéos censées être des « breaking news » (« information de dernière minute » en anglais) mais qui sont toutes des mélanges de vidéos générées par IA et des images d’archives.
Une téléréalité sur une compagnie aérienne
La vidéo de la « femme de Torenza » ne fait pas exception. L’extrait qui est repris dans toutes les vidéos est celui où l’on voit la soi-disante femme en provenance de Tokyo. Comme l’ont montré nos confrères de Lead Stories de l’AFP, et de TF1 ces images de la femme sont issus d’une ancienne série de téléréalité états-unienne, Airline, diffusée entre 2004 et 2005 où l’on suit des membres d’une compagnie aérienne.
Dans l’épisode qui s’appelle « Lost in Translation » (« Perdu dans la traduction » en anglais), diffusé sur la chaîne Youtube de A&E (seulement disponible aux États-Unis), une des membres de l’équipage, Yolanda Martin, est à Los Angeles et aide une voyageuse à aller à Baltimore. Elle tente alors de déterminer la langue parlée par celle-ci en regardant son passeport. « L’Arabie saoudite, ils parlent arabe là-bas non ? », demande-t-elle au téléphone avant de se rendre compte que l’un de ses collègues parle arabe.
Ce sont ces scènes de la série qui ont été reprises dans les vidéos virales de la mi-octobre 2025. Aucun « Torenza » ou passeport inconnu dans les vidéos d’origine, mais simplement une femme avec un passeport provenant d’Arabie Saoudite et à qui on tend un téléphone afin qu’elle puisse communiquer avec quelqu’un qui parle sa langue. En prime, la taille du téléphone relié à un fil aurait déjà pu nous mettre sur la piste d’une vidéo tournée au début des années 2000 et non pas en 2025 où le téléphone filaire est quelque peu passé de mode.
Outre cet extrait, les publications qui reprennent l’histoire de « la femme de Torenza » sont truffées d’images qui trahissent la patte des vidéos générées par IA bas de gamme. Par exemple, l’image de l’aéroport JFK montre le nom du lieu mal épelé (« Kendiedy »); un bras apparaît incomplet avec un coude au milieu de l’avant-bras, etc.
Le cercle vicieux de l’IA
L’histoire complètement bidon semble avoir passionné les internautes, mais surtout les comptes spécialisés dans le contenu généré par IA. En effet, la majorité de ces comptes pompent leurs récits les uns sur les autres. À partir du moment où un contenu devient viral chez l’un, il est repris, et amélioré ou pas, chez l’autre. On retrouve ainsi dès le point de viralité (12-13 octobre), des comptes dédiés à « Mrs Torenza », ainsi que des « spin off » où l’on verrait la femme disparaître sur la vidéo d’une caméra de surveillance des membres de la sécurité.
De nombreux contenus connaissent ce genre de viralité – comme cela avait été le cas pour la fausse histoire de Jessica la dresseuse d’orques mangée par l’un d’entre eux – car les IA s’autonourrissent de leurs narratifs pour créer les contenus les plus accrocheurs possibles et les monétiser.