La législation du CBD en France
Dernière modification : 27 juin 2022
Autrice : Miriana Exposito, master droit de l’Union européenne, Université de Lille
Relectrice : Tania Racho, docteure en droit européen, Université Paris-Panthéon-Assas, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay
Depuis quelques mois, le cannabidiol (CBD) est à la mode chez les consommateurs de cannabis et les boutiques spécialisées fleurissent. Mais qu’est-ce que c’est exactement, le CBD ? En réalité, le cannabidiol est une molécule extraite de certaines variétés de plantes de cannabis. Contrairement au tétrahydrocannabinol (THC), qui est aussi une molécule issue de la plante du cannabis ayant des propriétés psychoactives, le CBD ne fait pas “planer” et est souvent utilisé pour ses vertus thérapeutiques. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le CBD n’a aucun effet psychotrope.
Si le CBD agite l’actualité française, c’est parce qu’il y a eu plusieurs rebondissements concernant sa réglementation. Récemment, la plus haute juridiction administrative française a suspendu un arrêté ministériel interdisant la feuille de chanvre chargée en CBD. Il règne un flou juridique autour du CBD : sa vente et sa consommation sont-elles légales ?
EN FRANCE, LA VENTE ET LA CONSOMMATION DE PRODUITS À BASE DE CBD SONT LÉGALES… MAIS ENCADRÉES
Le Code de la santé publique interdit de manière générale toute utilisation ou commercialisation de la plante de cannabis, qui est considéré en France comme un stupéfiant. Mais des exceptions sont admises pour certaines variétés de cannabis, qui ne sont pas considérées comme des stupéfiants sous certaines conditions.
Ces conditions ont été fixées par un arrêté ministériel de 1990, qui prévoit que les fibres et les graines de la plante de cannabis utilisées à des fins industrielles et commerciales et contenant moins de 0,20% de THC ne sont pas des stupéfiants. Leur utilisation et leur commercialisation sont donc légales, que ce soit sous forme d’huiles, de tisanes, ou de liquide pour cigarette électronique.
A contrario, cela signifie que les produits issus de la fleur, de la feuille ou des tiges de CBD sont interdits à la vente ou à la consommation, même s’ils contiennent 0% de CBD. Sont aussi interdits tous produits issus des fibres ou graines s’ils contiennent plus de 0,20% de THC.
UNE LÉGISLATION FRANÇAISE INCOMPATIBLE AVEC LE DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE
La réglementation française en matière de CBD est contraire au droit de l’Union européenne, car elle est trop restrictive. En 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a retoqué la France parce qu’elle interdisait la vente des produits issus de la fleur, de la feuille ou des tiges de la plante de cannabis. Or, cette interdiction a pour effet d’empêcher la libre circulation des marchandises au sein de l’Union européenne. En effet, la France interdisant de commercialiser sur son territoire, certains produits à base de CBD légalement commercialisés dans d’autres États membres ne pourront pas franchir la frontière française. Le CBD n’étant pas considéré comme un stupéfiant par les juges européens, la France est donc en infraction au regard du droit de l’Union.
À la suite de la décision de la Cour de justice en 2020, la Cour de cassation s’est alignée sur cette jurisprudence (elle n’avait pas le choix) en considérant que des marchandises à base de CBD légalement produites dans un autre État membre de l’Union devraient pouvoir être commercialisées en France. Mais elle a estimé, tout comme la Cour de justice de l’Union, que des restrictions à la vente de CBD pouvaient être adoptées par l’État pour des raisons de santé publique et/ou d’ordre public.
MALGRÉ CELA, LA FRANCE REFUSE DE S’ALIGNER AU DROIT DE L’UNION
Le 30 décembre 2021, la France a adopté un nouvel arrêté sur la réglementation du CBD. Très attendu, cet arrêté devait aligner le droit français avec celui de l’Union européenne en autorisant la vente et la consommation des produits issus de toutes les parties de la plante de cannabis contenant moins de 0,20% de THC.
Pourtant, à la grande surprise générale, la France n’en fit rien. Si elle autorise la culture, la récolte et la commercialisation du CBD dans le but de le transformer en ingrédient alimentaire et cosmétique, elle interdit toujours de vendre les fleurs et feuilles brutes de CBD aux consommateurs. Le seul point sur lequel la France s’aligne avec le droit de l’Union européenne, c’est l’augmentation du taux de THC en dessous duquel le CBD n’est pas considéré comme un stupéfiant : il est passé de 0,20% à 0,30%.
Cet arrêté a été vivement critiqué dès sa publication par les professionnels de la filière, qui ont saisi le Conseil d’État en vue de le faire annuler. En janvier 2022, le Conseil d’État leur a donné raison en suspendant provisoirement cet arrêté. Il a considéré qu’il n’était pas prouvé que les fleurs et feuilles dont la teneur en THC est inférieure à 0,3% étaient nocives pour la santé humaine. Donc, une interdiction absolue de leur commercialisation est disproportionnée. En attendant que le Conseil d’État se prononce de manière définitive sur la légalité de cet arrêté, le gouvernement français tente de prouver que l’interdiction de la commercialisation des fleurs et feuilles de CBD est nécessaire pour la protection de la santé publique. Mais quand le Conseil d’État suspend un arrêté, c’est très rarement pour le valider par la suite. Il est donc urgent pour le gouvernement de s’aligner sur le droit européen, ou de trouver une parade crédible.
Mise à jour le 14 février 2022 à 17h01 : À la suite d’une remarque d’une lectrice, modification d’une phrase : “de la plante du cannabis”.
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