La laïcité s’applique-t-elle aux élus comme elle s’applique aux fonctionnaires ?
Dernière modification : 11 décembre 2025
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Relecteurs : Clément Benelbaz, maître de conférences HDR en droit public à l’Université Savoie-Mont Blanc
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Source : France Info, 7 décembre 2025
Contrairement aux agents publics, les élus ne sont pas concernés par le principe de neutralité religieuse. Ils peuvent en revanche l’être à l’occasion d’une mission de service public.
Sur le plateau de France Info, Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine, est revenu sur la polémique des élèves voilées dans les tribunes de l’Assemblée nationale.
Il s’est dit choqué de ces images, ajoutant qu’elles n’auraient pas eu lieu au Sénat qui interdit expressément le port de tout signe religieux au sein du Palais de Luxembourg.
Le vice-président du Sénat, dont la laïcité est le cheval de bataille, a rapidement dérivé sur ce principe appliqué aux élus, pourtant pas mis en cause dans cette affaire de voile. Il affirme que « les fonctionnaires ont une obligation de neutralité, les élus aussi ».
Mais en droit, la laïcité ne s’applique pas de la même façon à ces deux catégories de personnes.
Les élus ne sont pas soumis à une obligation générale de neutralité
Les parlementaires ne peuvent être assimilés à des agents publics tenus à une stricte neutralité politique, religieuse ou philosophique. Le Conseil constitutionnel, dans une décision de 2013, a rappelé que les élus, lorsqu’ils agissent en tant que responsables politiques — en campagne, dans l’exercice de leurs mandats électifs ou au sein de leur parti — ne sont soumis à aucun texte les contraignant à observer une neutralité religieuse.
L’histoire parlementaire en offre de nombreux exemples : l’abbé Pierre siégeait en soutane, Philippe Grenier portait un burnous dans l’hémicycle ou encore Meyer Habib, une kippa sur la tête lorsqu’ils étaient députés. De même, la Cour de cassation, dans une décision de 2010, a jugé que les conseillers municipaux ne sont pas soumis au principe de neutralité religieuse dans l’exercice de leurs fonctions politiques.
Cette liberté connaît toutefois une limite interne à l’Assemblée depuis 2018. L’instruction générale du Bureau précise, en son article 9, que « la tenue vestimentaire ne saurait être (…) le prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d’un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique ». Une règle de discipline interne, qui ne vaut que dans l’hémicycle.
Une obligation de neutralité lorsqu’ils exercent une mission de service public
Si les élus ne sont pas soumis à la neutralité dans leur rôle politique, ils le sont en revanche lorsqu’ils agissent comme agents publics. Le même Conseil constitutionnel, dans sa décision de 2013, souligne que les élus peuvent être amenés à exercer des missions de service public ou de représentation de l’État : un maire qui réglemente la circulation, préside le conseil municipal ou célèbre un mariage agit alors au nom de l’État.
Dans ces situations, les élus sont tenus au respect des principes qui encadrent l’action publique, et notamment au principe de laïcité, qui impose neutralité et impartialité.
En dehors de ce cadre — par exemple lors d’une procession dans l’espace public, ou de l’installation d’une crèche dans une permanence parlementaire — aucune obligation de neutralité ne s’impose à eux.
