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Des policiers malgaches courent pour repousser les manifestants lors d'affrontements lors d'une manifestation appelant à la démission du président Andry Rajoelina, à Antananarivo, le 6 octobre 2025. Photo : Luis TATO / AFP

La France a-t-elle vraiment envoyé ses gendarmes réprimer les manifestations à Madagascar ?

Création : 7 octobre 2025

Auteur : Etienne Merle, journaliste

Relectrice : Maylis Ygrand, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 2 octobre 2025

Une photo montrant un homme en gilet pare-balles de la gendarmerie française lors de la répression des manifestations à Antananarivo alimente la rumeur d’une intervention étrangère. En réalité, tout porte à croire qu’il s’agit d’un gendarme malgache, formé en France qui a conservé son équipement.

Depuis la fin septembre, Madagascar traverse l’une des crises politiques les plus graves de ces dernières années. Le mouvement, d’abord né d’un ras-le-bol face aux coupures d’eau et d’électricité, s’est transformé en contestation du président Andry Rajoelina, accusé d’autoritarisme et d’inaction face à la pauvreté. La répression aurait fait au moins 22 morts selon l’ONU.

Le 6 octobre dernier, le chef de l’État a nommé un militaire, le général Ruphin Fortunat Dimbisoa Zafisambo, au poste de Premier ministre, après avoir limogé son gouvernement.

C’est dans ce contexte qu’une photo d’un homme portant un gilet pare-balles de la gendarmerie française a enflammé les réseaux sociaux, donnant lieu à une rumeur d’ingérence française dans la crise.

Une photo trompeuse devenue virale

Tout part d’un article publié par Radio Free Dom, un média réunionnais, publié le 30 septembre 2025 (aujourd’hui supprimé), titrant sur « un gendarme en uniforme français en pleine répression des manifestants à Tana ».

L’article est accompagné de deux photos. Sur l’une d’entre elles, on voit un gendarme, de dos, porter un gilet pare-balles sur lequel il est écrit « Gendarmerie » accompagné d’un drapeau tricolore.

À droite, le gilet pare-balles du gendarme malgache (capture d’écran Facebook). À Gauche ; un gilet par-balles de la gendarmerie française (libre de droit)

 

Aucun doute, il s’agit bien d’un gilet identique au gilet français. Pour autant, peut-on en déduire que des militaires français participent à la répression des manifestants ? On peut très largement en douter.

Un gendarme malgache formé en France

En effet, en cherchant avec les mots clefs « zandary frantsay » (« gendarme français », en français), on retrouve plusieurs publications sur Facebook dont l’une d’elles est la vidéo dont est issue la photo du gendarme.

Il s’agit d’une scène d’interpellation d’une femme au volant d’un véhicule ressemblant à un quad. Premier indice : le gendarme avec le gilet pare-balles « français » s’exprime dans la langue malgache. Par ailleurs, il semble être le seul à porter ce gilet made in France.

Mais surtout, on aperçoit sur le bras gauche du gendarme un insigne tricolore rouge, vert, noir et blanc : c’est celui de la Gendarmerie nationale malgache. Et sur son bras droit, une mention indique sa compagnie d’affectation : celle de l’aéroport d’Ivato, à Antananarivo.

À gauche, l’insigne tricolore de la gendarmerie Malgache. À droite, l’insigne de l’aéroport d’Ivato à Antananarivo (captures d’écran Facebook).

 

Par ailleurs, les vérificateurs de TF1 Info ont identifié l’homme en retrouvant son compte LinkedIn : il s’agit d’un officier malgache, qui a suivi une formation à l’École des officiers de la gendarmerie nationale française (EOGN) à Melun en 2023.

Dans ce cadre, il est probable qu’il ait reçu ou conservé un équipement français, ce qui explique la présence d’un gilet estampillé « Gendarmerie ». Rien ne prouve, en revanche, une quelconque participation de la France à la répression.

La gendarmerie française dément toute présence sur le terrain

Contactée par nos confrères, la gendarmerie nationale française a confirmé qu’aucun de ses membres n’a été déployé à Madagascar dans le cadre des manifestations. La radio réunionnaise à l’origine de la rumeur a, quant à elle, dans un communiqué, expliqué ne pas « prétendre confirmer des informations non vérifiées par les autorités ou les médias de référence », tout en appelant ses lecteurs à « la prudence face à la désinformation ».