La croissance accélérée des arbres d’Amazonie ne remet pas en cause les dangers du réchauffement climatique
Autrice : Maylis Ygrand, journaliste
Relecteur : Nicolas Turcev, journaliste
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Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 1er octobre 2025
Une étude publiée fin septembre démontre que la forêt amazonienne croît de manière accélérée. En cause : l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère. Pour certains internautes, c’est la preuve que ce gaz n’aurait pas d’effet délétère. Si ce dernier est primordial à la vie sur Terre, sa présence en trop grande quantité dans l’atmosphère pose un danger.
Le CO2 serait-il vertueux ? À en croire certains internautes, la taille des arbres en Amazonie aurait crû de manière significative grâce à l’augmentation de ce gaz dans l’atmosphère.
Une annonce qui déjouerait « toutes les prophéties de malheur », tacle François Asselineau, président du parti de l’Union populaire républicaine, sur X, avant d’ajouter que « la hausse du CO2 agit comme un fertilisant naturel à l’échelle mondiale ! ».
Une récente étude établit effectivement une corrélation « probable » entre la récente croissance des arbres en Amazonie et l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Mais ce constat n’a rien d’une bonne nouvelle pour le climat : la trop grande présence de ce gaz à effet de serre est l’une des principales causes du réchauffement climatique.
Une fertilisation par le CO2
Le 25 septembre dernier, une équipe de chercheurs a révélé, dans la revue Nature, que les arbres amazoniens ont significativement grandi ces trente dernières années.
En analysant des enregistrements prélevés dans quasiment 200 parcelles de forêt mature, les auteurs ont remarqué « qu’au niveau des peuplements, les arbres sont devenus plus grands au fil du temps, la surface terrière moyenne des arbres augmentant de 3,3 % par décennie ».
Selon les scientifiques, s’il n’est potentiellement pas « le seul », « l’augmentation du CO2 atmosphérique est le facteur le plus probable » de la croissance de la taille des arbres.
En effet, « le CO2 est un élément indispensable à la photosynthèse des plantes (outre la lumière/l’énergie et l’eau) », explique aux Surligneurs l’un des auteurs de l’étude, Roel Brienen.
« On sait depuis très longtemps que l’augmentation du CO2 stimule la photosynthèse et donc la croissance des plantes. Ce n’est pas une nouveauté. Ainsi, pour les plantes, l’augmentation du CO2 a un effet bénéfique “direct” (que l’on appelle “fertilisation par le CO2”) », ajoute-t-il.
« C’est ce que l’on commence à voir depuis dix-quinze ans dans les forêts françaises, remarquait, dans un précédent article des Surligneurs, Nicolas Viovy, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. Quand on regarde les inventaires forestiers, on peut voir que jusqu’à une période récente, on avait une augmentation des diamètres des arbres. »
Un gaz à effet de serre
Mais, comme le relevait déjà en mai 2024 Jean-Pierre Gattuso, directeur de recherche au CNRS qui travaille au laboratoire d’océanographie de Villefranche (Alpes-Maritimes) : « Il ne faut pas s’intéresser qu’au CO2, mais également aux effets en cascade de l’augmentation du CO2, comme la température. »
En effet, le dioxyde de carbone n’est pas qu’un « fertilisant naturel », c’est aussi un gaz à effet de serre. Il emprisonne à la surface de la Terre l’énergie du soleil qui devrait normalement être renvoyée vers l’espace. L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère provoquée par les activités humaines est la principale cause du réchauffement climatique. Lequel entraine une hausse de la fréquence et de l’intensité des sécheresses.
Or, la répétition de ces événements « entrainer[ont] une augmentation de la mortalité des arbres, des incendies et des émissions de carbone provenant des forêts », alerte Roel Brienen. En mourant, les arbres relâchent en effet le CO2 qu’ils ont stocké tout au long de leur vie. En cas de hausse drastique de la mortalité de ces puits de carbone, les arbres pourraient ne plus jouer pleinement leur rôle de régulateur du climat.
Une importante déforestation
Le changement est d’ailleurs déjà en marche. En Amazonie, l’un des plus grands puits de carbone de la planète, « nous constatons une augmentation des températures et une fréquence accrue des sécheresses », souligne Rebecca Banbury Morgan, l’une des autrices de l’étude, avant de prévenir : « À l’avenir, ces impacts négatifs pourraient l’emporter sur les effets positifs de la fertilisation par le CO2. »
La forêt amazonienne subit, depuis plusieurs décennies, une importante déforestation qui pourrait mettre en péril sa capacité à absorber l’importante quantité de CO2 que les activités humaines rejettent dans l’atmosphère.
Si l’étude parue dans Nature démontre que la forêt amazonienne a jusqu’alors bien résisté aux effets d’une augmentation du CO2, le danger reste bien présent.
Certes, « les forêts tropicales, en poussant plus vite, ralentissent le rythme du changement climatique », indique Simon Lewis, également auteur de l’étude, mais « ce service gratuit ne durera pas éternellement. Il est temps de réduire les émissions de carbone à zéro, de rétablir l’équilibre climatique et de veiller à ce que nos sociétés et les forêts tropicales puissent prospérer longtemps dans l’avenir ».