La crème solaire provoque t-elle des cancers de la peau ?
Auteur : Antoine Mauvy, étudiant en droit à Paris II Panthéon-Assas
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Lili Pillot, journaliste
Source : Compte Facebook, le 19 juillet 2024
Des internautes affirment que les cancers de la peau ne sont pas causés par le soleil mais par la crème solaire. Ces propos sont aussi mensongers que dangereux.
C’est l’histoire du serpent qui se mord la queue, mais en version dermatologique. Dans une vidéo publiée sur Facebook le 19 juillet 2024, un internaute affirme que la “crème solaire, […] est l’une des plus grandes fraudes de l’histoire”, car les éléments la composant “sont fortement soupçonnés d’être la première cause du cancer de la peau”. Tandis que le soleil, pour sa part, “ne cause pas de cancers”.
Tombé de Charybde en Scylla, l’homme serait ainsi son propre bourreau : il aurait créé un remède néfaste pour une maladie imaginaire. S’ensuivent différents arguments, l’internaute cherchant à étayer son propos de façon scientifique. “Les statistiques montrent que les personnes qui utilisent le plus de crème solaire et de bronzage ont les taux les plus élevés de cancer de la peau”, indique-t-il sans citer ses sources. Alors, qu’en est-il ?
Le soleil est la première cause de cancers de la peau
Comme l’ont déjà raconté Les Surligneurs, que ce soit les scientifiques de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) ou de Santé publique France, tous s’accordent sur le fait que ce sont les rayons UV, émis par le soleil, la cause principale des cancers de la peau.
En effet, ces rayons, en dose excessive, agressent les cellules de la peau et “peuvent provoquer des dommages irréversibles dans les gènes des cellules exposées”, ajoute sur son site internet l’Institut national du cancer, en charge de la coordination de la recherche scientifique et de la lutte contre le cancer en France.
Les personnes qui mettent de la crème solaire ont moins de cancer de la peau
Ceci étant dit, intéressons-nous à la seconde affirmation de l’internaute. Existe-t-il des statistiques qui démontrent que “les personnes qui utilisent le plus de crème solaire et de bronzage ont les taux les plus élevés de cancer de la peau ” ? Les chiffres qui démontreraient cette affirmation n’ont pu être retrouvés par Les Surligneurs. À la recherche de certitudes sur le sujet, nous avons décidé de poser la question à deux spécialistes.
Leurs réponses sont sans équivoque : “Le risque encouru est bien plus grand si on ne met pas de crème solaire. Il n’y a pas de débat, et dire le contraire est un mensonge honteux, sans aucune base scientifique”, s’insurge Frédéric Renard, dermatologue-vénérologue et membre du syndicat national des dermatologues-vénérologues (SNDV). “La meilleure protection contre le soleil, après les habits et l’exposition raisonnable, reste la crème solaire”, complète sa consœur Emmanuelle Prevost, dermatologue à Rouen.
De plus, dans une étude publiée en 2021 sur le site de la Bibliothèque nationale de médecine des États-Unis, intitulée “Efficacité et innocuité des écrans solaires pour la prévention du cancer de la peau”, des scientifiques ont réalisé un état des lieux de la recherche sur les effets de la crème solaire. Ce qu’ils écrivent est aux antipodes de l’allégation de notre internaute : “Plusieurs essais randomisés et contrôlés rigoureux comportant des suivis à long terme ont montré que les écrans solaires réduisent le risque de carcinome épidermoïde et de mélanome”, concluent-ils.
Ainsi, il est primordial d’appliquer de la crème solaire sur notre peau pour prévenir l’apparition de cancers. Qui plus est, quand on sait qu’en 2018, environ 2 000 personnes atteintes d’un mélanome sont mortes en France.
Un débat sur des substances potentiellement cancérigènes
Cependant, bien que notre internaute n’y ait pas fait expressément référence, il est vrai que certaines molécules utilisées par les fabricants de crèmes solaires sont critiquées. Notamment pour leur possible influence sur le développement de cancers.
Par exemple, l’octocrylène. En juillet 2023, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, alertait sur ce composant et ses potentielles conséquences néfastes et plaidait pour son interdiction.
Cette position s’appuyait notamment sur une étude franco-américaine, publiée en mars 2021, qui montrait que cette substance, qui se dégrade au cours du temps après l’ouverture du tube de crème solaire, peut se transformer en benzophénone, un composé possiblement cancérigène.
Autre exemple, les crèmes à base de dioxyde de titane. Considéré comme “cancérogène suspecté” par de nombreux de scientifiques et le gouvernement français, on retrouve ce composant dans certaines crèmes solaires. Si le minéral est censé rester à la surface de la peau, sans la pénétrer, pour former une barrière protectrice, il est aussi synonyme de trace blanche, peu esthétique. Cherchant à pallier ce désagrément, certaines entreprises de cosmétiques ont décidé de réduire la taille de ces minuscules cailloux, pour se rapprocher du nanomètre (nm) : c’est ici que se pose la question de l’absorption du composant par l’organisme.
Pas encore de conclusion scientifique définitive
Sur ce sujet, suite à un avis du Comité scientifique pour la sécurité des consommateurs, qui est indépendant, la Commission européenne indique que “les nanoparticules de dioxyde de titane évaluées qui sont utilisées à une concentration de 25 % maximum en tant que filtre UV dans les écrans solaires peuvent être considérées comme sûres pour les humains après application sur une peau saine, intacte ou présentant des brûlures du soleil”.
Mais, elle rappelle également que cette conclusion est basée sur l’état actuel des connaissances de la science : “Cette conclusion devra être révisée si de nouvelles preuves scientifiques sont réunies indiquant que les nanoparticules se comportent différemment“, prévient le document.
Vous pouvez retrouver les gestes à adopter lorsque vous vous exposez au soleil sur le site de l’assurance maladie.
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