Rémi Noyon, CC 2.0

Juste avant la démission de Jean-Paul Delevoye, Marine Le Pen avait déclaré : « Il oublie de respecter la Constitution, il commet une infraction pénale, il a oublié 10 mandats et le Premier ministre vient nous dire il est de bonne foi »

Création : 19 décembre 2019
Dernière modification : 20 juin 2022

Autrice : Tania Racho, enseignante en droit public, Université de Picardie Jules Verne

Source : Europe 1, 15 décembre 2019

Marine Le Pen a énoncé de nombreuses informations qu’il faut trier : les mandats de Jean-Paul Delevoye ne sont pas nécessairement contraires à la Constitution mais il risque bien une condamnation pénale pour ses omissions auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

Les faits sont connus : Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux retraites pilotant justement la réforme des retraites, démissionne en plein trouble social car il a oublié de mentionner de nombreux mandats sur sa déclaration d’intérêt dont certains rémunérés.

Depuis une loi de 2013 sur la transparence de la vie publique, une nouvelle institution a été créée, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, chargée de recevoir les déclarations d’intérêts des personnalités publiques, c’est-à-dire un point sur leur situation financière à l’entrée en fonction. La déclaration doit être déposée au plus tard deux mois après l’entrée en fonction (en septembre 2019 pour son poste de Haut-commissaire).

Le site de la Haute Autorité est très clair : il faut également déclarer les intérêts que peuvent avoir les personnalités publiques, par exemple des actions détenues ou le fait de siéger dans un comité d’administration.

C’est ici que le propos de Marine Le Pen est problématique. L’article 23 de la Constitution prévoit une incompatibilité entre la fonction de ministre et « des activités professionnelles » (en plus d’autres interdictions comme le cumul député-ministre). Qu’est-donc qu’une activité professionnelle ? La Constitution ne le précise pas mais cela comprend bien sûr le fait d’être salarié ou libéral, de travailler directement pour une entreprise, d’avoir une activité rémunérée, l’objectif étant d’éviter tout conflit d’intérêt.

Or Jean-Paul Delevoye a omis de déclarer des « mandats », des missions confiées, en grande majorité bénévoles, au sein de Conseils d’administration (par exemple à la Fondation SNCF, à l’Observatoire régional de la commande publique des Hauts-de-France, etc.). Il ne s’agissait donc pas d’activités professionnelles salariées, même si elles pouvaient clairement entraîner un conflit d’intérêt. Mais s’agissant de ses activités rémunérées, Jean-Paul Delevoye a bien enfreint la Constitution.

Marine Le Pen a encore raison lorsqu’elle indique que Jean-Paul Delevoye commet une infraction pénale : la loi de 2013 prévoit en effet « que le fait de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, les informations qu’il est tenu de communiquer à cette dernière en application de l’article 18-3 est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende ». Ce qui explique que la Haute Autorité ait saisi le procureur de la République à ce sujet.

Enfin, la bonne foi de Jean-Paul Delevoye n’aura clairement aucun impact sur sa situation puisqu’il aurait dû prendre connaissance des éléments à inclure dans sa déclaration d’intérêt, d’ailleurs envoyée avec retard à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

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