Julien Odoul (RN) veut obliger les athlètes à concourir dans les catégories correspondant au sexe inscrit sur leur acte de naissance
Dernière modification : 12 août 2024
Auteur : Grégoire Delcamp, étudiant en master Droit international et droit européen à l’Université de Lille
Relecteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : Compte X de Julien Odoul, 1er août 2024
La mesure du député RN ne pourra contraindre que les fédérations sportives nationales, et donc difficilement concerner les Jeux Olympiques. De plus, il y a fort à parier que la Cour européenne des droits de l’Homme condamnera la France pour une telle mesure.
Depuis le début de l’évènement, les Jeux olympiques ont leur lot de médailles… et de polémiques ! Parmi elles, le cas d’Imane Khelif et de Lin Yu-Ting, deux boxeuses accusées à tort d’être des hommes et de concourir dans une catégorie féminine.
Une controverse dont se sont servies certaines personnalités politiques françaises, comme Julien Odoul, le député du Rassemblement national. L’élu n’a pas hésité à surfer sur la vague de la désinformation pour repartager une proposition de loi déposée par les députés RN, en juillet 2023.
Cette dernière a pour but d’obliger les sportifs à concourir dans la catégorie correspondant au sexe qui figure sur leur acte de naissance. Elle vise tout particulièrement les personnes qui ont (ou souhaitent) changer de sexe. Une confusion étonnante de la part du député puisque les deux boxeuses ne sont pas transgenres, comme l’ont déjà raconté Les Surligneurs.
En plus de s’appuyer sur une rumeur, le député propose un texte de loi qui pose un certain nombre de problèmes juridiques tant dans sa mise en œuvre que vis-à-vis du droit international.
Comment est règlementée la participation des personnes transgenres ?
Pour l’heure, il revient à chaque fédération sportive de fixer les conditions pour qu’une personne transgenre puisse participer à une compétition dans la catégorie correspondant à son genre.
À titre d’exemple, la Fédération Française de Rugby demande aux personnes transgenres d’être reconnues administrativement dans leur nouveau sexe, de suivre un traitement hormonal depuis un an et de passer un test contesté de testostérone (longtemps appelé « test de féminité »).
Dans le cadre des Jeux Olympiques, le Comité International Olympique peut émettre des recommandations sur les conditions de participation des personnes transgenres. Une recommandation n’étant pas contraignante, les fédérations restent libres de les appliquer ou non.
Pour autant, une loi comme celle que propose Julien Odoul pourrait contraindre toutes les fédérations sportives. Mais cela concernerait uniquement les athlètes français et pas l’ensemble des sportifs internationaux qui participent aux JO.
Une possible violation de la Convention européenne des droits de l’Homme
Reste que la loi pourrait se confronter à d’autres obstacles. Dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l’Homme — tout en laissant aux États la charge d’établir les règles pour qu’une personne puisse changer de sexe — rappelle l’obligation du respect de la Convention et particulièrement le droit à la vie privée (article 8 de la Convention).
En 2017, elle a pu condamner la France qui souhaitait imposer un traitement stérilisant aux personnes qui souhaitaient changer de sexe à l’état civil. Découle de cette décision une protection de l’identité de genre choisie par les personnes. Obliger les athlètes transgenres à choisir entre leur genre et concourir dans une compétition sportive pourrait être condamné par la Cour comme étant une atteinte disproportionnée à la vie privée de ces personnes.
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