Crédit : Gregorio Dorta Martin

Jeux Olympiques de Paris 2024 : que sait-on des triathlètes malades ?

Création : 8 août 2024

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relectrice : Lili Pillot, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétaire de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Post Threads, le 4 août 2024

La salubrité de la Seine semble le point d’orgue des fausses informations liées aux Jeux Olympiques. Derrière une préoccupation légitime, la question de la santé des athlètes qui se sont baignés dans la Seine a été utilisée, parfois en s’arrangeant avec la vérité, pour fustiger les organisateurs.

Ce n’est pas forcément la discipline sportive la plus populaire des Jeux Olympiques d’une façon générale, mais pour cette édition 2024, le triathlon a clairement gagné la médaille d’or du nombre de publications sur les réseaux sociaux. Ici, une athlète hospitalisée, là 24 triathlètes malades, ou encore un triathlète qui vomirait dix fois à cause de l’eau de la Seine. Les (dés)informations autour de l’épreuve de natation du triathlon, organisée dans la Seine les 31 juillet et 5 août, ont fusé de toutes parts. Les Surligneurs vous font le point.

Le triathlète canadien a vomi à cause de l’effort et de la chaleur

Dès l’arrivée du triathlon homme le 31 juillet, un athlète canadien, Tyler Mislawchuk, a été pris de violents vomissements devant la caméra. “J’ai vomi dix fois”, dira-t-il par la suite dans un communiqué de presse. Il n’en faudra pas moins pour que cette image impressionnante du triathlète vidant l’intérieur de son estomac juste après la ligne d’arrivée ne soit utilisée pour prouver la dangerosité de la Seine. 

Sauf que, comme l’ont déjà débunké Les Surligneurs, l’athlète lui-même réfute la conclusion qui veut qu’il ait été contaminé par l’eau de la Seine. Pour lui, il s’agit du contrecoup de la chaleur et de l’effort physique intense. D’autant plus que la période d’incubation de la bactérie E.coli, qui pose question, est de quelques jours. Le comité olympique canadien a assuré que le triathlète était désormais en bonne santé. 

Une fausse une de journal 

Cela n’a pas empêché des internautes d’utiliser la photo de l’athlète déconfit pour propager de fausses informations. Comme cette fausse une du journal Libération qui utilise cette photo en assurant que “24 athlètes sont tombés malades”. Une députée insoumise est même tombée dans le panneau en partageant cette fausse information sur X, avant de faire un mea culpa

Si ce chiffre de 24 athlètes est inventé de toutes pièces, quelques triathlètes sont bel et bien tombés malades. Mais là aussi, fausses informations et exagérations se sont glissées dans les canaux informationnels. 

L’amplification autour de l’athlète belge tombée malade

C’est le dimanche 4 août que la rumeur de triathlètes malades et hospitalisés prend de l’ampleur. La triathlète Claire Michel est malade et, n’ayant pas de remplaçante, l’équipe de triathlon belge doit déclarer forfait pour la compétition du relai mixte du lendemain. Plusieurs médias belges déclarent alors qu’elle souffre d’une infection à E.coli (une bactérie intestinale que l’on trouve dans les cours d’eau). Dans un article, supprimé depuis, le journal flamand De Standaard explique que Claire Michel a passé quatre jours à l’hôpital. 

Ni une, ni deux, ces informations font le tour du monde. Les pouvoirs publics français et le comité olympique sont fustigés pour avoir fait nager les athlètes dans “du caca”. Sauf que ces informations sont fausses. 

Claire Michel a bel et bien été malade, mais elle n’a pas passé quatre jours à l’hôpital. Mercredi 7 août, elle s’est expliquée dans un post Instagram. “Les analyses de sang ont montré que j’avais contracté un virus (et non l’E. Coli). Après trois jours de vomissements et de diarrhées, qui m’ont laissé assez vide, j’ai fini par avoir besoin de soins médicaux plus importants et j’ai passé le dimanche à la clinique.” 

Pour les suisses, c’est plutôt un virus

Des cas d’athlètes malades ont aussi été recensés chez les triathlètes suisses, Adrien Briffod et Simon Westermann, mais là aussi la contamination par la Seine est improbable. Sur France Télévisions, le président de la Fédération suisse de triathlon, Pascal Salamin, a expliqué que le premier s’était senti mal pendant la course (excluant ainsi une contamination par E.coli dont le temps d’incubation est bien plus long), tandis que le deuxième n’avait même pas nagé dans la Seine étant donné qu’il était  remplaçant. 

Si pour le moment, il n’y a pas de cas avéré de triathlètes contaminés par des bactéries fécales, ou malades à cause de la pollution de la Seine, les conditions dans lesquelles la compétition a été organisée ont été critiquées par certain.e.s. 

À la sortie de la première course, le 31 juillet, une triathlète belge, Jolien Vermeylen, s’était inquiétée de la qualité de l’eau avec des propos sur RTL (radio belge)  qui avaient été repris à foison. “J’ai bu beaucoup d’eau, donc on saura demain si je suis malade ou pas. Ça n’a pas le goût du coca-cola ou du sprite, évidemment. En nageant sous le pont, j’ai senti et vu des choses auxquelles on ne devrait pas trop penser.”

Des critiques légitimes sur la qualité de l’eau 

Le même jour, deux triathlètes espagnoles se sont plaintes du manque de considération de l’organisation pour les athlètes à la radio Marca. “Ils n’ont pas du tout pensé aux athlètes. Ici, ils ont plus pensé à la scène, à l’image, à faire joli et à vendre la Seine, juge Anna Godoy, une triathlète. S’ils avaient pensé à la santé des athlètes, on ne l’aurait pas fait ici et il y aurait eu un vrai plan B.” L’autre triathlète espagnole, Miriam Casillas s’inquiétait également des taux concernant la qualité de l’eau. 

Il faut dire que la question préoccupe tout le monde et est quelque peu complexe. Pour savoir si la Seine est baignable, les organisateurs font appel à des laboratoires qui testent le niveau d’une bactérie intestinale (E.coli). La Fédération mondiale de triathlon a fixé le seuil réglementaire à 1000 UFC/100mL. Ils testent également le taux d’entérocoques, un autre groupe de bactéries, fixé à 400 UFC/100mL. Si le niveau global de pollution peut être diminué avec des systèmes d’assainissement comme celui construit à Austerlitz, la variabilité est importante selon les conditions météorologiques. Typiquement, suite à de fortes précipitations, les taux peuvent augmenter, car le flux est plus important. 

D’après le Comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques (Cojop), à chaque épreuve du triathlon, les seuils réglementaires d’E.coli n’ont été dépassés que sur un point de collecte (là où sont prélevés les échantillons pour le test). “Les résultats d’analyses du 4 août à 05 h 30 pris sur les quatre points de collecte [étaient] compris entre 727 et 1.553 UFC/mL”, a déclaré la porte-parole du Cojop tout en assurant que les résultats d’analyses avaient été fournis aux athlètes avant leur passage et qu’ils avaient accepté de concourir. 

Alors que la mairie de Paris et le Cojop n’ont divulgué les résultats qu’au compte-goutte, Mediapart a publié les résultats d’analyses complets. Comme indiqué par le Cojop, le 31 juillet (premier jour d’épreuve), les résultats étaient bons, et le 5 août (deuxième jour d’épreuves), un point de collecte dépassait le seuil réglementaire pour les entérocoques (436 UFC/100mL, au lieu de 400). En revanche, le reste du temps, les seuils n’étaient pas respectés.

Si la question se pose de nouveau pour les épreuves de nage en eau libre, le 8 et 9 août, la préoccupation des nageurs et nageuses semble plutôt être le débit de la Seine plutôt que la salubrité du fleuve.

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