Jean-Marie Bigard, humoriste, découvre cette « p*** de loi PLM » et déplore le fait que « le maire de Paris n’est pas élu par les Parisiens »
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit
Source : Site Putsch 13 novembre 2019
Jean-Marie Bigard et Marcel Campion peuvent parfaitement réclamer un suffrage direct pour l’élection du maire de Paris, on y gagnerait probablement en transparence. Mais de là à dire que le suffrage indirect revient à une dictature, faut pas d***r… Car dans ce cas, tous les maires, tous les présidents de département et tous les présidents de région sont des dictateurs. En mars 2020, on fait un lâcher de dictateurs !
« On demande juste au peuple de fermer leur g*** » ajoute dans un tweet Jean-Marie Bigard, co-listier de Marcel Campion aux élections municipales à Paris (liste « libérons Paris »). « Autant aller à la pêche » dit-il encore, d’où le lancement d’une pétition dont il ne précise pas l’objet.
P*** fait c*** ! Paris serait une f***g dictature parce que son maire est élu au suffrage indirect, comme les sénateurs, comme les présidents italien ou allemand, et comme D. Trump ! D’ailleurs Marcel Campion réclame un scrutin direct, estimant que la « loi PLM » ne se justifie plus. Alors faut-il élire directement le maire de Paris, comme le président russe ou celui d’Égypte ?
La loi dite « PLM » (c’est-à-dire Paris-Lyon-Marseille) du 13 décembre 1982 est désormais codifiée, et on la retrouve aux articles L2511-3 et suivants du code général des collectivités territoriales. S’agissant de Paris, cette loi prévoit que l’électeur élit en deux tours son conseil d’arrondissement, soit 527 conseillers au total sur les vingt arrondissements. Ensuite, 163 conseillers sont élus parmi les conseillers d’arrondissement et par eux-mêmes, pour siéger au Conseil de Paris (équivalent du conseil municipal), proportionnellement à la population de chaque arrondissement. Ainsi, le 1er arrondissement compte 10 conseillers d’arrondissement dont un qui est aussi conseiller de Paris. Le 15° arrondissement compte 36 conseillers d’arrondissement dont 18 qui sont aussi conseillers de Paris. Ensuite, les conseillers d’arrondissement élisent les maires d’arrondissement tandis que les conseillers de Paris élisent le maire de Paris.
Dans la plupart des démocraties du monde, le suffrage indirect est regardé comme démocratique et personne ne dénonce les États-Unis en tant que dictature, même lorsque son président est élu avec une minorité de voix. Mais Anne Hidalgo élue avec une minorité de voix, c’est quoi ces c***s ? C’est un des travers du scrutin indirect, que souligne Jean-Marie Bigard à sa façon mais en amalgamant tout dans une joyeuse salade qu’il faut décomposer. Si la liste Hidalgo a obtenu 34,40% des voix des parisiens au premier tour, certaines listes classées à gauche se sont ensuite concertées et ont créé une liste commune pour le second tour, qui a recueilli 53,33 % des voix des Parisiens. La liste menée par Nathalie Kosciusko-Morizet, majoritaire en voix des Parisiens au premier tour (35,91% contre 34,40% pour Anne Hidalgo), mais minoritaire au second tour (44,06%), n’a pas su rallier suffisamment d’autres listes entre les deux tours. Il en est résulté une élection d’Anne Hidalgo comme maire de Paris, alors même que sa liste n’était pas majoritaire au premier tour. Ce jeu démocratique ne pêche certainement pas par une transparence excessive, et peut même expliquer un taux élevé d’abstention. Pour autant, il reste une des modalités de l’élection, et l’élection reste une des modalités de la démocratie. En plus le conseil municipal agit comme un parlement local : si les conseillers municipaux, au contact et à l’écoute des administrés de la commune, finissent par en avoir ras-le c**l de leur maire, ils cessent de voter les textes qu’il propose.
D’ailleurs : aucun de nos quelques 35000 maires français n’est élu au suffrage universel direct. Les citoyens communaux élisent des conseillers municipaux qui se réunissent et élisent ensuite le maire. Si généralement ce maire est la tête de la liste qui a remporté la majorité des voix, ce n’est pas une obligation juridique. Jean-Marie Bigard a donc raison : il y a plus de chances qu’un maire élu par le conseil municipal ne soit pas celui qui a recueilli le plus de voix sur son nom, que de se faire mordre par une chauve-souris enragée. Idem pour les doyens de faculté, les présidents d’université, les présidents de département, ou les présidents de région.
Enfin, si en 1982 ils se sont cassés le c***l à nous sortir une loi pareille ce n’est peut-être pas seulement pour e***r l’électeur. Un scrutin nominal direct, c’est-à-dire portant sur une personne directement élue et non une liste, aurait probablement transformé l’élection municipale en combat de coqs, faisant oublier les enjeux. S’agissant de Paris-Lyon-Marseille, ce suffrage très indirect s’explique aussi par la volonté d’éviter que ces trois maires s’érigent en potentats locaux, et que le siège de maire d’une de ces villes serve systématiquement de tremplin pour l’élection présidentielle, au détriment des enjeux locaux. Cela n’a pas empêché Jacques Chirac d’accéder à l’Élysée.
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