Crédit photo : Capture d'écran Facebook

Impôts : Ce barème est-il celui du programme du Nouveau Front Populaire ?

Création : 11 juillet 2024
Dernière modification : 17 juillet 2024

Auteur: Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours

Source : Compte Facebook, 2 juillet 2024

C’est l’une des promesses phare du Nouveau Front populaire : renforcer la progressivité de l’impôt. Et ce, dès le 4 août, à en croire son programme. Toutefois, une question demeure : quels seront les seuils de ces nouvelles tranches ? Officiellement, rien n’est encore précisé contrairement à ce qu’affirme un post sur Facebook.

Parler d’argent et encore plus d’impôt, tout en agitant le chiffon de la gauche, a toujours eu tendance à effrayer une partie des électeurs. Et ce jusqu’à pousser certains utilisateurs des réseaux sociaux à tenir pour acquises des informations pour l’heure méconnues.

Dans le cas présent, c’est le nouveau barème, constitué de 14 tranches au lieu de cinq actuellement, de l’impôt sur le revenu proposé par le Nouveau Front populaire (NFP) qui semble inquiéter notre utilisateur.

À en croire ce post, cette évolution fiscale serait connue et débuterait précisément par une imposition des revenus de 1% jusqu’à 10 292 €, de 5 % jusqu’à 15 438 €, pour monter ainsi progressivement, par échelon de 5 %, jusqu’à 60 % pour la part des revenus annuels entre 267,594 € et 411 683 €.

Au-delà, les revenus seraient imposés à hauteur de 90%. “Pour ceux qui n’ont pas vu le barème d’imposition du Front populaire”, est-il notamment écrit au-dessus d’un tableau récapitulatif.

Un barème sur l’impôt inconnu

En réalité, ce barème n’a pu être encore consulté par personne puisqu’il n’existe pas officiellement. Volontairement ou non, notre internaute semble relayer la proposition d’amendement faite par des députés de La France insoumise (LFI), dont Jean-Luc Mélenchon (encore parlementaire à l’époque), en décembre 2021, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022. Consultable ici, cet amendement présente ainsi exactement le même échelonnement en 14 tranches que dans notre post Facebook.

Or, jusqu’à preuve du contraire, ni le programme du NFP, ni aucun de ses membres, ont indiqué que ce serait cette même proposition qui serait reprise de facto le 4 août, soit si l’on se réfère au programme de la coalition, à la date à laquelle elle souhaite faire adopter un projet de loi de finances rectificative. “L’idée d’un barème à 14 tranches a été proposée dans les travaux de LFI fin 2016 et a fait partie des propositions de Jean-Luc Mélenchon dans le cadre de la campagne de 2017. Elle a été reprise dans des amendements parlementaires, mais uniquement sous la bannière LFI”, précise Vincent Drezet porte-parole de l’association Attac France et qui a travaillé ces dernières années sur le programme fiscal de LFI et du NFP.

En effet, bien que le NFP s’engage, par le biais de son programme, à “accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu à 14 tranches”. Ces 14 tranches ne sont pas plus détaillées : les taux et les seuils d’imposition restent encore aujourd’hui inconnus.

LFI n’est pas NFP

Est-ce à dire pour autant que ce futur barème sera totalement éloigné de ce que croit connaître notre internaute ? Il y a fort à parier, en réalité, qu’il ne soit pas tout à fait loin du compte. En effet, dans l’exposé de l’amendement de 2021, les auteurs indiquaient notamment que “91 % de la population serait gagnante ! Seuls les 9 % des foyers les plus aisés payeront plus d’impôt sur le revenu.” Soit le même chiffrage que dans le programme du NFP qui précise que sa proposition sur le rétablissement de la progressivité de l’impôt “permet à 9 Français sur 10 de payer moins d’impôt dès 2025”.

Toutefois, rappelle Vincent Drezet, “Les autres composantes [du NFP] ne sont pas forcément d’accord avec des taux marginaux aussi élevés. Par exemple, le Conseil constitutionnel pourrait retoquer de trop hauts niveaux de prélèvement pour leur éventuel “caractère confiscatoire” suivant la jurisprudence de décembre 2012.”

Aussi, pour compliquer encore les choses, plusieurs simulateurs d’imposition, siglés Nouveau Front populaire, sont disponibles sur Internet pour réaliser une comparaison avec le barème actuellement en vigueur. L’un d’entre eux “a été réalisé par des militants bénévoles du Nouveau Front populaire”, le second est issu directement du site Internet de La France insoumise et du programme de Jean-Luc Mélenchon lors de la dernière élection présidentielle.

Or, selon le salaire net mensuel testé, le résultat diffère. Ainsi, selon un des deux simulateurs, pour un célibataire, sans enfant, qui gagnerait 2 500 € nets par mois, l’économie obtenue, grâce au programme du NFP, est de 482 € par an. D’après le second, avec les mêmes données, cette économie s’élève à 571 € par an. Même chose pour 1 500 € nets mensuels : 792 € d’économie d’un côté, 406 € de l’autre.

Sans majorité tout est compliqué

Seule quasi-certitude, le point-pivot, c’est-à-dire le revenu à partir duquel il y aura une augmentation d’impôt si la mesure du NFP est appliquée, s’opérerait à 4 000 € nets par mois à en croire des déclarations notamment de Manuel Bompard – par ailleurs contacté sans succès par nos soins – durant la campagne des élections législatives, l’amendement LFI de 2021 ou encore les simulateurs évoqués.

Enfin, précisons, et ce détail n’est pas sans importance, que comme l’explique le site Service-Public.fr, “Le barème de l’impôt est fixé chaque année. Par exemple, le barème de 2024 (applicable aux revenus de 2023) est fixé par loi de finances pour 2024.”

Autrement dit, si le NFP, arrivé en tête du second tour des élections législatives le 7 juillet veut “abolir les privilèges des milliardaires”, pour reprendre les termes exacts inscrits dans son programme, via l’adoption d’un projet de loi de finances rectificatives et l’instauration, entre autres mesures, de 14 tranches pour l’impôt sur le revenu, il devra obtenir la majorité des voix à l’Assemblée nationale. Une fiction davantage qu’une réalité pour l’heure.

À moins qu’il ne cède à la tentation du 49.3. C’est en tout cas ce que semblait sous-entendre Manuel Bompard, dimanche soir sur France 2, en pointant quedepuis deux ans, le camp macroniste met en place son programme alors qu’il ne dispose pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale. Et ce, alors que l’abrogation du 49.3 fait partie du programme du NFP.

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