Immigration : les chiffres clés pour tout savoir avant d’aller voter
Dernière modification : 26 juin 2024
Auteur: Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétaire de rédaction : Gladys Costes, étudiante en licence de Science politique à Lille
Déjà au cœur des élections européennes, le sujet de l’immigration est également l’une des thématiques qui prend le plus de place dans le débat autour des élections législatives anticipées. Les Surligneurs ont plongé dans les données les plus récentes pour que chacun puisse se faire son avis avant d’aller voter.
Comme un éternel sujet de crispation. Alors qu’approche à grands pas le premier tour des élections législatives anticipées le 30 juin prochain, la thématique de l’immigration reste au cœur des débats du monde politico-médiatique.
Pourtant, lors des élections nationales, l’immigration est souvent reléguée derrière d’autres thématiques dans les priorités des Français.e.s comme le pouvoir d’achat ou de santé ou encore l’éducation. Reste que les partis de droite et d’extrême-droite font du contrôle de l’immigration un axe privilégié de leur programme politique.
“Si je suis premier ministre de la France dans quelques semaines, je ferai du rétablissement de l’autorité dans la société et de la réduction drastique des flux migratoires, l’une de mes priorités“, a par exemple affirmé Jordan Bardella, le président du Rassemblement national, sur LCI le 19 juin 2024.
À l’inverse, l’alliance de gauche du Nouveau Front Populaire souhaite abroger les “lois immigrations”, adoptée en 2018 puis en 2023 par le gouvernement Macron qui durcissent les conditions d’accueil. En 2023, la majorité avait d’ailleurs reçu l’appui du RN et des Républicains lors des votes à l’Assemblée nationale.
Autant dire que face à des visions aussi diamétralement opposées, les électeurs seront sans doute confrontés à des débats houleux sur la question.
Les Surligneurs vous propose donc un état de lieu de la réalité migratoire en France, sans parti pris, ni exagération. Voici quelques éléments pour vous aider à y voir plus clair avant de glisser votre bulletin dans l’urne.
Différencier immigrés et étrangers
Et le premier éclairage indispensable à faire concerne le vocabulaire employé. Comme le précise l’Insee dans sa dernière publication sur le sujet en date du 4 avril 2024, immigré et étranger ne sont pas des termes interchangeables.
“Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l’Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en Frnce. Les personnes nées Françaises à l’étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. Certains immigrés ont pu devenir Français, les autres restant étrangers”, indique ainsi l’Institut.
Dans une vidéo publiée en 2018, l’un des chercheurs de l’Institut national d’études démographiques (Ined) résume ainsi : “Un étranger, c’est une personne qui ne détient pas la nationalité française. Un immigré, c’est quelqu’un qui est né à l’étranger avec une nationalité étrangère à la naissance et qui vient s’installer en France. Un immigré peut ensuite acquérir la nationalité française. Il restera qualité d’immigré tant qu’il vit en France “. Autrement dit, une personne immigrée peut tout à fait être française. C’est le cas d’ailleurs, selon les dernières données de l’Insee, publiées en avril dernier, de 36 % d’entre elles.
Juridiquement si le terme d’étranger est défini par le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile – “les personnes qui n’ont pas la nationalité française, soit qu’elles aient une nationalité étrangère, soit qu’elles n’aient pas de nationalité.” – le terme d’immigré, lui, ne l’est pas. “La notion d’immigré ne sert qu’à des fins d’études et de statistiques”, rappelle Matthieu Tardis, co-fondateur du centre de recherche Synergies migrations et ancien responsable du Centre migrations et citoyennetés de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
Selon les statistiques justement, en 2022, 7 millions d’immigrés vivent en France dont 2,5 millions sont naturalisés et donc 4,5 millions de nationalités étrangères. Parmi cet ensemble – de 7 millions de personnes — un peu plus de 48 % sont nés en Afrique, 32 % en Europe, 13.5 % en Asie et enfin 6 % en Amérique et Océanie.
Au total, la population immigrée représente un peu plus de 10 % de la population du pays, indique l’Insee, quand la population étrangère représente 7,8 % de ce même ensemble.
La France en milieu de peloton
À titre de comparaison, si la part des étrangers vivant en France ne cesse de croître depuis l’an 2000, elle est loin d’être la plus élevée au sein de l’Union européenne. En effet, d’après Eurostat, l’équivalent de l’INSEE européen, cette moyenne se situe à 8,4 % au sein des 27 États membres. Ainsi, la France ne se situe qu’au milieu du peloton européen, derrière l’Allemagne (13,1%), l’Espagne (11,4%) ou l’Italie (8,5%), les autres grands pays, en terme démographique, du continent.
À ce propos, précisons que les méthodes de calcul diffèrent selon les pays et les institutions. Ainsi, les chiffres de l’OCDE et de l’Insee peuvent être différents : “L’OCDE définit un immigré comme une personne née à l’étranger. Les enfants des expatriés sont donc considérés comme immigrés selon cette définition, contrairement à la méthode employée par l’INSEE”, explique aux Surligneurs, Jean-Christophe Dumont, responsable du département des migrations internationales au sein de l’OCDE.
À cette différence s’ajoute l’incertitude inévitable quant à la récolte de telles données. “Les données sur la part d’étrangers et d’immigrés en France sont calculées à partir du recensement de la population, qui est une source déclarative. Certaines informations, comme la date d’arrivée en France ou le mode d’acquisition de la nationalité française (par déclaration, par naturalisation etc.) peuvent être soumises à des biais de déclaration ou de mémoire.”, signale par exemple l’Insee aux Surligneurs. Autrement dit, il est impossible d’arrêter des chiffres totalement fiables.
Un rapport de l’Ined, daté de 2021, précisait pour sa part que “depuis le début des années 2000, les organisations internationales, comme les Nations Unies ou l’Union européenne, promeuvent des approches plus standardisées qui permettent de réaliser des comparaisons. Quel que soit l’indicateur retenu, la France apparaît en Europe de l’Ouest comme l’un des pays où l’immigration est la plus faible.”
0,27% de la population française
Autre indicateur essentiel pour bien cerner le sujet de l’immigration en France, le solde migratoire. Il permet de mesurer la différence entre le nombre de personnes immigrées entrantes et sortantes du territoire sur un an, travailleurs, étudiants et personnes en situations irrégulières compris, comme le précise cette note sur le blog de l’INSEE.
Ce solde a connu une progression lente, bien que non linéaire, entre 2009 et 2021, passant de 132 000 à 138 000, avec un pic à 223 000, en 2020. Pour l’heure, seules des estimations (à prendre avec prudence donc) ont été publiées pour l’année 2022 et 2023 par l’Insee. Ainsi, pour 2023, le solde migratoire s’élèverait à 183 000 personnes. Cela représente 0,27% de la population française. Ce solde migratoire contribuerait ainsi pour plus des trois quarts à la hausse de la population, selon l’Insee.
“En moyenne, entre 2006 et 2020, quatre immigrés entrent sur le territoire tandis qu’un en sort, par exemple à la fin d’une expérience scolaire ou professionnelle en France, ou encore au moment de la retraite.”, précise l’Insee.
“La France n’est pas aujourd’hui un grand pays d’immigration”
Pour 2022, l’Institut ne dispose que du nombre d’entrées d’immigrés. Fortement en hausse comparée aux années précédentes, celui-ci s’élève à 331 000. Raison principale : la guerre en Ukraine. “Entre 2021 et 2022, le nombre d’entrées de personnes immigrées originaires d’Ukraine est multiplié par près de trente et celui de personnes immigrées originaires de Russie par plus de deux […] hormis ces deux pays, la hausse du nombre d’entrées de personnes immigrées entre 2021 et 2022 ralentit de +35 % à +17 %, et celle entre 2019 et 2022 de +21 % à +6 %.”, précise l’Institut.
Une augmentation loin d’être particulière à la France au sein des pays développés d’après l’OCDE. Dans la dernière édition de son rapport intitulé “Perspectives et migrations internationales 2023”, l’organisation indiquait notamment que “l’immigration dans les pays de l’OCDE atteint des niveaux sans précédent […] ce phénomène s’explique par l’augmentation des admissions pour des raisons humanitaires et de l’immigration régulée de travailleurs étrangers, accompagnés des membres de la famille”, détaillait-elle également.
De manière générale, quel que soit l’institut ou la méthode de mesure retenus, “la France n’est pas aujourd’hui un grand pays d’immigration”, estime Jean-Christophe Dumont. “Elle a en revanche, contrairement à d’autres pays, une longue histoire migratoire”.
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