Hugo Clément doit-il payer l’artiste dont la fresque apparaît sur l’une de ses publications ?
Autrice : Charlotte Le Conte, doctorante en droit privé à l’université de Reims
Relecteur : Philippe Mouron, professeur de droit privé à l’université Aix-Marseille
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste
Source : Compte LinkedIn d'Hugo Clément, le 14 mars 2025 (post supprimé depuis)
En publiant une photo devant une fresque hommage à Paul Watson, Hugo Clément ne s’attendait sûrement pas à recevoir une facture signée de l’artiste. Droit d’auteur ou droit de rêver ? Décryptage juridique d’un instant capturé… et facturé.
Hugo Clément pensait sans doute qu’il était libre comme l’air en publiant une photo d’une fresque en hommage à Paul Watson. Sauf qu’un matin, entre deux partages engagés sur les causes environnementales, une facture de 560 euros signée Hugues Anhès, l’auteur de ladite fresque, tombe dans sa boîte mail.
Le 14 mars, le journaliste publie un long texte sur Linkedin (supprimé depuis) s’offusquant de devoir s’acquitter d’une telle somme alors même que l’œuvre est visible par tous, dans l’espace public. Alors, que dit le droit ? Hugo Clément va-t-il devoir passer à la caisse ?

Une utilisatrice de X affirme qu’Hugo Clément doit bien payer l’auteur de la fresque… À raison. – Capture d’écran X
Le street art peut être protégé par le droit d’auteur
Le droit d’auteur protège le travail créatif des individus. Selon le Code de la propriété intellectuelle, « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous ». Le même code ajoute que toutes les œuvres sont protégeables, « quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination ».
Concernant la forme d’expression, le législateur a établi une liste particulièrement longue et non exhaustive. Il peut donc s’agir de vidéos, de photographies, de pièces de théâtre, de chorégraphies, de peintures, etc. A priori, il n’y a donc pas d’obstacle à la reconnaissance de la fresque représentant Paul Watson en tant qu’œuvre de l’esprit et qu’elle tombe ainsi sous le coup du droit d’auteur.
Deux conditions sont néanmoins nécessaires pour qualifier un travail créatif d’œuvre de l’esprit. Premièrement, il doit être extériorisé, c’est-à-dire ne pas être resté au stade de projet dans la tête du créateur. C’est le cas ici puisque la fresque est bien « communiquée » au public, visible dans un lieu accessible à tous.
Deuxièmement, elle doit être originale, c’est-à-dire être empreinte de la personnalité de l’auteur. La jurisprudence est assez souple sur ce point et il appartiendrait en l’espèce à Hugo Clément de contester l’originalité de la fresque pour s’exonérer du paiement de la facture reçue. Bon courage !
Par conséquent, rien n’empêche la fresque représentant Paul Watson d’être qualifiée d’œuvre de l’esprit (sous couvert du respect des droits du propriétaire du mur, mais c’est une autre histoire). Hugues Anhès peut se voir reconnaître la qualité d’auteur et par conséquent un monopole d’exploitation sur son œuvre.
Ce monopole est composé de droits moraux et de droits patrimoniaux, parmi lesquels le droit d’exploiter l’œuvre et donc le droit de s’opposer à son utilisation par des tiers. De ce que l’on comprend, Hugo Clément n’a pas demandé l’autorisation de partager sur ses réseaux sociaux la photographie représentant son équipe devant la fresque. Par conséquent, Hugues Anhès est parfaitement en droit de demander le paiement d’une somme d’argent pour la reproduction non autorisée de son œuvre.
Hugo Clément ne peut pas bénéficier de l’exception de panorama
Hugo Clément a tenté de se réfugier sous l’« exception de panorama ». C’est un peu comme utiliser une carte « sortie de prison » au Monopoly, mais en version juridique. L’idée ? Si une œuvre est exposée sur la voie publique, certaines reproductions peuvent être exemptées de droits.
Le monopole de l’auteur connaît donc des exceptions. Dans certains cas, l’autorisation de l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’a pas à être demandée, et l’auteur ne peut demander de paiement.
Selon l’article L. 122-5 11° du Code de la propriété intellectuelle, « lorsque l’œuvre a été divulguée, l’auteur ne peut interdire : (…) les reproductions et représentations d’œuvres architecturales et de sculptures, placées en permanence sur la voie publique, réalisées par des personnes physiques, à l’exclusion de tout usage à caractère commercial ». Or, cette exception de panorama ne semble pas pouvoir jouer en l’espèce.

Le post Instagram du média Vakita, fondé par Hugo Clément, avec la fresque d’Hugues Anhès dans le fond – Capture d’écran Instagram
Premièrement, l’usage de l’œuvre ne doit pas être commercial, condition qui apparaît respectée dans le cas présent. Deuxièmement, il n’est pas sûr que l’œuvre en question soit véritablement de nature architecturale ou sculpturale.
Il s’agit d’une juxtaposition de deux photographies, prises par Hugues Anhès, l’une représentant Paul Watson, l’autre la mer Méditerranée, apposées sur un mur de la rue Amelot dans le 11e arrondissement de Paris.
La jurisprudence France Insoumise
Or, il existe un précédent. En 2023, La France Insoumise a été condamnée par la Cour d’appel de Paris pour avoir utilisé une œuvre de street art — La Marianne asiatique de l’artiste Combo — dans l’un de ses clips de campagne.
« “La Marianne asiatique” ne s’apparente pas à une œuvre architecturale ou sculpturale au sens de l’article L. 122-5 11° et rien ne permet de considérer que le mur du boulevard du Temple sur lequel elle a été créée, sur lequel aucune information n’est donnée, constitue une œuvre au sens de ce texte », écrit la juridiction dans son jugement
Deuxièmement, l’œuvre doit être placée en permanence sur la voie publique. Or, la fresque a été installée provisoirement le 13 août 2024 rue Amelot, dans le 11e arrondissement à Paris, et n’est plus visible depuis le 13 octobre 2024.
Sur cette condition, la Cour d’appel avait estimé que « s’agissant d’une œuvre de “street art”, qui plus est constituée, comme en l’espèce, pour partie de papier collé, donc particulièrement soumise aux aléas extérieurs (dégradations volontaires, effacement par le propriétaire du support, altérations du fait des intempéries…), il ne peut être retenu qu’elle est “placée en permanence sur la voie publique” comme le prévoit le même texte ».
Résultat : pas d’exception de panorama pour Hugo Clément, mais une facture bien réelle… et tout à fait légale.