Guillaume Peltier veut une cour spéciale contre les individus dangereux, sans appel possible
Dernière modification : 22 juin 2022
Auteur : Clément Baillon, master de droit économique à Sciences Po
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit, Université Paris-Saclay
Source : LCI, Le Grand Jury, 30 mai 2021
Guillaume Peltier sait qu’une juridiction condamnant des personnes simplement suspectées de dangerosité sans aucun recours possible ne passerait pas devant le Conseil constitutionnel. Alors, il veut passer par le peuple. Possible. Mais après, il faudra rendre compte devant la Cour européenne des droits de l’homme, à laquelle la France est toujours soumise jusqu’à présent.
Guillaume Peltier, député Les Républicains, souhaite rétablir la Cour de sûreté de la République pour placer préventivement en “rétention de sûreté” les personnes susceptibles de commettre des actes terroristes, et cela sans appel possible. Au besoin, il veut modifier la Constitution. Cela resterait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme, dont il veut sortir, et nous avons déjà vu dans un précédent surlignage combien cette position est difficile à tenir.
Contrairement à ce qu’il soutient, Guillaume Peltier ne vise pas simplement à rétablir la Cour de sûreté de l’État qui existait jusqu’en 1981 et qui jugeait les personnes accusées d’avoir commis certaines infractions politiques. Il veut faire juger et enfermer des personnes simplement suspectées d’être dangereuses, mais qui n’ont commis ni crime, ni délit. Il va donc au-delà de l’actuelle “rétention de sûreté”, qui existe depuis une loi de 2008 et ne concerne que les personnes déjà condamnées. Contacté, Guillaume Peltier n’a pas souhaité s’exprimer.
Une mesure que le Conseil constitutionnel considérerait comme disproportionnée
L’arsenal législatif français a été renforcé ces dernières années : une personne à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser qu’elle pourrait commettre des actes terroristes peut, sous certaines conditions, se voir imposer plusieurs obligations : interdiction de sortir de la ville où elle réside, pointer régulièrement au commissariat, ou encore éviter tout contact avec certains individus. Le non-respect de ces obligations peut être puni de trois ans d’emprisonnement.
Ces mesures ne vont toutefois pas jusqu’à l’enfermement des intéressés. Priver entièrement de leur liberté individuelle des individus qui ne sont pas soupçonnés d’avoir commis une infraction, mais simplement considérés comme dangereux serait sans doute contraire à la Constitution. Le Conseil constitutionnel estime en effet que “la liberté individuelle, dont la protection est confiée à l’autorité judiciaire, ne saurait être entravée par une rigueur non nécessaire. Les atteintes portées à l’exercice de cette liberté doivent être adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis”. Or, en l’état du droit, un enfermement préventif d’une personne serait sans doute jugé disproportionné.
Une juridiction sans aucun recours possible ne passerait pas non plus
Guillaume Peltier souhaite également que la cour en question rende des décisions sans appel possible. S’il est vrai que la Constitution n’impose pas l’existence d’un appel, le Conseil constitutionnel a déduit de l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen l’existence d’un droit au recours. En l’absence au moins d’un recours en cassation, le Conseil constitutionnel censurerait certainement la création d’une telle cour. Il a ainsi déjà censuré l’absence de voie de recours contre des décisions autorisant des perquisitions.
Contourner le Conseil constitutionnel
Pour contourner le Conseil constitutionnel, Guillaume Peltier souhaite modifier la Constitution par référendum. Il faudrait pour cela l’accord de l’Assemblée nationale et du Sénat, en application de l’article 89 de la Constitution. Faute d’accord du Parlement, Guillaume Peltier serait sans doute tenté de le court-circuiter en proposant directement sa réforme par référendum. Il est vrai que, jusqu’à présent, le Conseil constitutionnel n’a jamais accepté de contrôler une loi adoptée par référendum, au motif qu’elle constitue “l’expression directe de la souveraineté nationale”. Il ne contrôle pas non plus la proposition de référendum avant qu’elle soit adoptée. Cette position du Conseil constitutionnel est toutefois critiquée et pourrait évoluer.
Reste que même en cas de réforme de la Constitution, la France s’exposerait à une condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme. Pour qu’une condamnation à de l’emprisonnement soit possible, la Cour européenne des droits de l’homme exige une déclaration de culpabilité, consécutive à l’établissement légal d’une infraction”. Or selon Guillaume Peltier, cette cour condamnerait à la prison des personnes seulement regardées comme dangereuses, sans constat d’infraction. Par ailleurs, l’absence d’appel serait contraire au protocole n°7 de cette convention qui garantit le droit au double degré de juridiction.
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