Si une guerre se gagne sur le champ de bataille, elle se joue aussi, aujourd’hui encore plus qu’hier, sur le champ communicationnel. Et les réseaux sociaux offrent un espace de transmission puissant à quiconque souhaiterait s’imposer comme expert d’un conflit ou spécialiste en géopolitique.

La preuve, avec notre internaute qui affirme, portable à la main, disposer d’une « information officielle » et “pas officieuse” selon laquelle la Chine annonce « l’envoi de ses troupes sur le sol russe ». De quoi, dit-il, « assister à l’escalade du grand conflit mondial ». Voilà de quoi effrayer, ou du moins impressionner, ses nombreux auditeurs. “L’heure est grave”, insiste-t-il.

Or, jouer sur les émotions semble être la principale compétence de l’auteur de cette publication qui se décrit sur sa page Facebook comme « artiste musicien ». Contacté par Les Surligneurs, ce dernier n’a pas répondu à nos sollicitations.

Des informations non sourcées

D’où provient cette information officielle passée sous tous les radars médiatiques ? Nous n’en savons rien. Aucune source n’est citée, ni aucun lien vers lequel cliquer pour vérifier de tels propos. En réalité, à la lecture de cette vidéo, il semble que notre pseudo-expert des relations sino-russes soit surtout habité par un souhait d’escalade du conflit et d’une haine de l’Occident, le tout saupoudré d’un zeste de propagande pro-russe.

De l’amateurisme va-t-en-guerre

Un parti pris corrélé à une méconnaissance du sujet puisque, selon lui, il existerait un groupe de militaires chinois, nommé “APL”, spécialisés dans les attaques de “ grande puissance” et déployés sur le sol russe : « Les militaires de l’APL [sont] faits pour des appels immédiats, des interventions rapides. C’est très important que vous compreniez« , explique-t-il.

En réalité, comme nous l’a bien confirmé Emmanuel Lincot chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), et lui vrai spécialiste de la Chine, l’APL n’est autre que l’acronyme de l’Armée populaire de libération soit succinctement l’armée chinoise.

Sur le fond, faut-il tout de même s’inquiéter d’un engagement de la Chine en faveur de la Russie dans le conflit ukrainien ?  « La Chine n’intervient pas directement officiellement dans ce conflit« , nous précise d’emblée Emmanuel Lincot. « Sa position n’a jamais changé depuis le début de la guerre« , appuie Quentin Couvreur doctorant de Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po.

Pour ce dernier, s’il est avéré que « la Chine envoi de composants vers la Russie pour fabriquer des armes telles que des drones, il n’y a pas d’envois officiels d’armes létales et encore moins d’hommes« . Et cela ne semble pas prêt de changer parce que « la Chine craint les sanctions américaines » précise encore Emmanuel Lincot.

« La Chine ne fournit pas d’armes »

Des avis qui peuvent être corroborés par une déclaration en date du 3 juin du porte-parole du ministère des Affaires étrangères chinoise, Mao Ning, consultable sur le site de l’ambassade de Chine en France.

Interrogée par l’agence Reuters sur des propos tenus par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, concernant « certains éléments de l’armement russe provenaient de Chine », la porte-parole répondait alors que « La Chine n’est pas à l’origine de la crise ukrainienne et n’est pas non plus partie prenante à cette crise. […] La Chine ne fournit pas d’armes aux parties au conflit et contrôle strictement l’exportation d’articles à double usage, ce qui est largement salué par la communauté internationale. »

Une tonalité pondérée et répétée quotidiennement à en croire la retranscription des conférences de presse de cette même porte-parole.

Finalement, il nous reste à croire que notre internaute détient des informations secrètes ou bien que l’interprétation grossière de l’actualité soit suffisamment porteuse de buzz pour qu’elle puisse se passer de toute recherche de véracité.

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