Grenoble : Alain Carignon veut « créer le principe de subsidiarité » pour renforcer la démocratie participative
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteurs : Alexandre Delépine et Johan Goncalves Procek, étudiants à Sciences Po Saint-Germain, sous la direction de Camille Morio, maîtresse de conférence en droit public à Sciences Po Saint-Germain
Source : TéléGrenoble le 24 janvier 2020
Le principe de subsidiarité est ce principe constitutionnel qui prévoit que la loi, lorsqu’elle répartit les compétences entre collectivités territoriales, doit les attribuer à celles d’entre elles les plus aptes à les exercer au mieux. Ce n’est donc pas une sorte de service à la carte où une commune déciderait qu’un sujet est « personnel » selon ses termes, et qu’elle n’a pas à demander son avis aux autres. Ou alors, Alain Carignon devra dissoudre la métropole une fois élu (avec l’accord des autres communes…).
Maire de Grenoble entre 1983 et 1995 et Ministre sous Jacques Chirac et Edouard Balladur, Alain Carignon est également l’homme politique qui a passé le plus de temps derrière les barreaux avec 29 mois pour corruption. De nouveau candidat aux élections municipales grenobloises, il fustige la paralysie des communes due aux « strates successives » d’échelons territoriaux et propose comme solution de créer un «principe de subsidiarité». Ce principe permettrait à la ville de prononcer un avis définitif sur un « sujet personnel », c’est-à-dire qui concerne Grenoble, sans consulter la métropole. En l’état, cette proposition n’est pas réalisable sans une modification du droit et d’abord de la Constitution.
Le principe de subsidiarité (article 72 de la Constitution) prévoit que « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon ». D’après ce principe, le législateur doit répartir les compétences des collectivités territoriales afin qu’elles soient exercées par la collectivité la plus apte à répondre aux besoins des administrés. Le principe de subsidiarité en France s’impose donc au législateur, et n’a rien à voir avec le principe réclamé par Alain Carignon, qui consiste pour les communes à choisir à la carte les compétences qu’elles abandonnent à l’intercommunalité, ou qu’elles souhaitent garder.
La loi NOTRe de 2015 a transféré de nombreuses compétences communales vers les intercommunalités et, dans le cas de Grenoble, vers la métropole, qui est le degré le plus poussé d’intégration intercommunale. La ville de Grenoble ne peut pas reprendre ces compétences. Le principe de subsidiarité qu’Alain Carignon réclame n’existe pas : un maire ne choisit comme il l’entend les domaines d’intervention de l’intercommunalité. Ce serait vider les intercommunalités de toute substance.
Cela dit, au sein des intercommunalités, une subsidiarité peut être instaurée lors de la définition de l’intérêt métropolitain. Il permet aux communes membres de définir précisément et à l’avance les domaines qui seront à la charge des communes ou de l’intercommunalité, afin de mieux répondre aux besoins territoriaux. Mais cette subsidiarité joue à la marge et doit être fixée à l’avance, pas au coup par coup.
Si Alain Carignon veut que Grenoble reprenne ses compétences, il lui faudrait donc sortir de la métropole, mais la loi ne le permet pas s’agissant précisément des métropoles. Resterait à… dissoudre la métropole. Ce n’est pas impossible (article L.5215-42 du code général des collectivités territoriales), mais il faut l’accord des autres communes de la métropole.
Or paradoxalement, Alain Carignon souhaite ensuite créer un « Grand Grenoble, comme il y a un Grand Lyon ». Il faudra alors qu’il en fasse la demande directement à l’État, car seule la loi peut créer de telles collectivités. Mais comment, dans une même interview, Alain Carignon peut-il se déclarer en faveur d’un « Grand Grenoble » tout en souhaitant reprendre ses compétences à la métropole, alors qu’un Grand Grenoble et la métropole actuelle auraient à peu près le même périmètre ?
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