Giorgia Meloni défend l’idée d’un “blocus maritime” dans le cadre de la politique d’immigration que propose son parti Fratelli d’Italia, arrivé en tête des dernières élections italiennes
Dernière modification : 5 juin 2023
Autrice : Tania Racho, docteure en droit européen, Université Paris-Panthéon-Assas, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc, Yeni Daimallah
Source : Info Migrants, 27 septembre 2022
Au risque de nous répéter, le droit international interdit de refouler un navire en difficulté, et s’il est intercepté, il doit être mené vers un port sûr le plus proche. Mais pour créer un “blocus maritime” autour des côtes libyennes afin d’empêcher les navires de migrants de partir, avec l’aide de policiers européens, il faut que la Libye y consente.
“Je ne me lasserai jamais de le répéter : la seule façon d’arrêter l’immigration clandestine est le blocus maritime, c’est-à-dire une mission européenne en accord avec les autorités nord-africaines. Il n’y a que comme ça qu’on pourra mettre un terme aux départs illégaux vers l’Italie et à la tragédie des morts en mer”, avait-elle posté, le 28 août, sur son compte Instagram.
Que veut dire “blocus maritime” ? Cela peut être soit empêcher les départs depuis la Libye notamment, soit interdire les arrivées en Italie. Dans les deux cas, ce sera difficile.
Impossible de refouler un bateau en difficulté qui doit accoster
La question du débarquement des bateaux est également une question tendue pour l’Italie, qui est souvent le plus proche géographiquement de leur lieu de départ. Or, le droit international interdit de refouler un navire en difficulté.
La proximité d’un port n’est pas le seul critère : les États doivent assurer un débarquement “dans les meilleurs délais raisonnablement possibles” et “en lieu sûr” . Comme nous l’avions déjà expliqué, le droit international définit le lieu sûr de débarquement comme un port où la vie et la sécurité des personnes n’est plus menacée, et où leurs besoins et droits fondamentaux sont respectés. Dans ces conditions, le retour des migrants à leur port de départ en Libye peut être considéré comme illicite (c’est-à-dire contraire au droit international) compte tenu des risques que les passagers encourent (maltraitance notamment).
Difficile pour une mission européenne d’empêcher les départs irréguliers
Le blocus maritime pourrait aussi signifier, dans la pensée de Giorgia Meloni, que les bateaux sont empêchés de partir par les autorités libyennes et qu’une mission européenne pourrait accompagner ces autorités.
D’une part, l’Union européenne finance déjà les gardes-côte libyens depuis 2016, ce qui a d’ailleurs donné lieu à une résolution des députés européens s’opposant à ce financement en 2020, sans succès. Il est tout à fait possible de prévoir davantage de financement mais pas des agents européens. Ces derniers n’auraient en effet aucune autorité pour intervenir dans les eaux libyennes, sauf si la Libye elle-même y consentait par une loi spéciale.
Contactée, Giorgia Meloni n’a pas répondu à nos sollicitations.
Cet article a été rédigé dans le cadre d’un événement organisé le jeudi 13 octobre, avec le soutien de l’OTAN, pour former les lecteurs des Surligneurs à la lutte contre la désinformation dans le domaine du droit.
L’activité proposée était un événement en ligne d’une journée sous la forme d’un “legalthon” consacré à l’État de droit. RESILEX visait à rassembler des chercheurs en droit, des étudiants, des personnes d’influence, des journalistes et le grand public afin d’améliorer la résilience de la société dans le domaine de l’État de droit et de la démocratie. Les participants ont surveillé l’actualité et ont repéré les informations erronées ou les approximations juridiques présentes dans les propos des personnalités publiques.
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Le 5 juin 2023, l’’explication de cet évènement a été modifiée dans le cadre de la mise en conformité des Surligneurs avec l’article 3.1.C du Code européen de fact-checking.
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