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Gérald Darmanin sur le projet de loi asile-immigration : “Je serais favorable […] à des dispositions qui pourraient limiter le regroupement familial sans être contraires à la Constitution”

Création : 4 mars 2023

Autrice : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP de l’Université Paris-Saclay

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay 

Secrétariat de rédaction : Yeni Daimallah et Loïc Héreng

Source : Le Point, 1er mars 2023

Le droit au regroupement familial est non seulement constitutionnel, mais il est aussi protégé par le droit européen et d’autres textes internationaux. S’il n’est pas possible de le limiter par un système de quotas, une marge de manœuvre existe à travers les conditions qui peuvent être imposées avant tout regroupement. Tout est affaire de proportions.

Alors que l’attention se porte sur la réforme des retraites, d’autres chantiers législatifs avancent, notamment le projet de loi “Asile-immigration” porté par le ministre de l’Intérieur, qui l’a défendu devant une commission du Sénat. On notera – est-ce le résultat des interventions des Surligneurs ? – que s’agissant du droit au regroupement familial, l’angle choisi n’est pas celui de la suppression de ce droit, de sa suspension, même les quotas n’étant pas possibles. 

Cela n’exclut pas toute marge de manœuvre sur les conditions du regroupement. C’est cette marge que veut exploiter Gérald Darmanin, pour créer des conditions plus restrictives. Mais tout est affaire de proportion.

Les restrictions qui ne passeraient pas face au Conseil constitutionnel ou au droit européen

Parmi les restrictions suggérées, le ministre propose de limiter le regroupement familial aux seuls travailleurs immigrants, en excluant notamment les réfugiés. 

Cette distinction entre deux types d’immigrants est contraire au droit au regroupement prévu dans la Constitution et tel qu’interprété par le Conseil constitutionnel en 1993, qui est valable pour tout étranger quel que soit son statut, y compris de réfugié. Cette distinction est également contraire à la directive 2003/86 de l’Union européenne, qui harmonise les conditions de regroupement, sans établir de différence entre travailleurs et réfugiés. La Convention de Genève de 1951, qui prévoit les critères pour prétendre à l’asile s’oppose aussi à cette conception en raison du principe d’unité de famille qui y est affirmé. Reste encore la Convention européenne des droits de l’homme qui prévoit le droit à une vie familiale, y compris pour les étrangers quel que soit leur statut. 

Autre proposition du ministre de l’Intérieur, celle tendant à ce que les membres de la famille prouvent une forme d’intégration avant leur arrivée sur le sol français, par le biais notamment de tests linguistiques. Cette condition n’apparaît pas dans le texte de la directive de l’Union européenne, et la France ne peut donc ajouter ce critère d’entrée. 

Il a également été fait mention dans les débats d’une limitation des personnes pouvant bénéficier du regroupement, ce qui est déjà le cas. Seuls le conjoint marié et les enfants mineurs peuvent faire partie du regroupement

Les restrictions envisageables

Parmi les pistes de restriction, la taille du logement d’accueil : tout étranger souhaitant faire venir sa famille devra montrer qu’il  possède un logement d’une superficie adaptée, et des ressources suffisantes. Ces aspects sont décrits de manière très précise (par exemple 1 353.07 euros de revenu mensuel moyen pour 2 personnes et 24 m2 pour deux personnes). En l’état du droit, on ne voit pas d’obstacle à imposer ces conditions au regroupement, si elles sont jugées proportionnées par le Conseil constitutionnel.

Le ministre de l’Intérieur défend également l’exigence d’une certaine durée de résidence en France avant de pouvoir demander le regroupement. La directive de l’Union européenne prévoit déjà que seules des personnes qui ont un titre de séjour d’une année renouvelable et une perspective de séjour permanent peuvent faire une demande de regroupement. Cette directive peut-elle être interprétée dans le sens d’une durée de séjour plus longue, ou de perspectives de séjour permanent plus détaillées ? Ce sera, le cas échéant, au juge de trancher.

Reste qu’une personne qui dès son arrivée obtient un titre de séjour de cinq ans renouvelable peut demander rapidement le regroupement. À l’inverse, une personne qui obtient plusieurs fois de suite un titre de séjour de six mois ne peut pas demander le regroupement, même après plusieurs fois de suite six mois sur le territoire français. 

Contacté, le ministère de l’Intérieur n’a pas répondu à notre sollicitation.

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