Gérald Darmanin dit vouloir “expulser tout étranger” ayant commis “des actes graves” : déjà possible pour certains, impossible pour d’autres, le tour des catégories d’étrangers
Dernière modification : 26 septembre 2022
Autrice : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay
Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au centre de recherches VIP, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng, Charles Denis et Emma Cacciamani
Source : TF1 Info, 9 juillet 2022
Le ministre de l’Intérieur propose une mesure qui existe déjà dans de nombreux cas. Pour les autres cas, par exemple lorsque l’étranger risque de subir des traitements inhumains et dégradants dans son pays d’origine, l’expulsion enfreindrait les engagements internationaux de la France.
Le 9 juillet dernier sur TF1, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, a proposé, pour “parler aux tripes” des Français, une loi à la rentrée qui permettrait d’expulser “tout étranger” qui aura “commis des actes graves”. Le moins que l’on puisse dire est que cette affirmation est vague. Derrière le terme “étranger” différentes réalités peuvent se cacher, nuançant fortement le propos.
Dans de nombreux cas, il est déjà possible d’expulser
Tout d’abord, un étranger peut être en situation régulière ou irrégulière. La logique est de pouvoir expulser les personnes en situation irrégulière, quel que soit leur comportement. Pas la peine donc qu’elles aient commis un “acte grave”. Une exception cependant : si l’expulsion renvoie l’étranger dans un pays où il risque la torture, un traitement inhumain ou dégradant, la France ne peut pas le renvoyer, même s’il a commis des actes graves.
Pour les étrangers en situation régulière, il y a trois grandes catégories.
Première catégorie : les citoyens européens. Ils ne peuvent être expulsés que pour des menaces graves, actuelles et portant atteinte à un intérêt fondamental de la société. Ainsi, l’expulsion est envisageable mais implique une certaine gravité de l’acte. Après mai 68, Daniel Cohn-Bendit, citoyen allemand, avait été renvoyé en Allemagne pour avoir été un des leaders du mouvement étudiant. Une expulsion qui aujourd’hui ne serait pas possible, les faits n’étant pas suffisamment graves. En revanche, la participation à des activités terroristes pourrait très bien justifier l’expulsion d’un Européen.
Deuxième catégorie : les étrangers immigrés. Leur titre de séjour peut avoir été attribué pour différentes raisons (étudiant, travailleur, vie familiale, etc.) et peut être retiré par l’administration en cas de menace à l’ordre public. Le risque que la personne commette un crime, par exemple. Toutefois, comme les personnes en situation irrégulière, s’il existe un risque de torture, de traitement inhumain ou dégradant en cas d’expulsion, celle-ci ne sera pas possible.
Troisième catégorie : les réfugiés et les personnes bénéficiant de la protection subsidiaire, qui est attribuée aux personnes sur qui pèse une menace grave et individuelle et qui ne remplissent pas les critères de l’asile. Pour celles-ci, il est possible de leur retirer leur statut (en raison de menaces graves pour la sûreté de l’État ou condamnation pénale) mais ils ne pourront pas être expulsés. En effet, si la qualité de réfugié leur a été reconnue, cela signifie que leur pays d’origine ne pouvait pas les protéger, ils risquent donc leur vie en cas de retour.
Donc tous les “étrangers” ne peuvent pas être expulsés pour des faits “graves”. Cela dépend en partie de la gravité de la situation et beaucoup du contexte dans le pays d’origine. À l’inverse, un certain nombre peut déjà l’être, même sans avoir commis d’acte grave.
Contacté, Gérald Darmanin n’a pas répondu à nos sollicitations.
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