George Soros a-t-il un plan pour submerger l’Europe de migrants, comme l’assure Viktor Orbán ?
Auteur : Clément François, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Lili Pillot, journaliste
Source : Post Facebook, le 16 juillet 2024
Viktor Orbán, le Premier ministre d’extrême droite hongrois, affirme devant le Parlement européen qu’un plan de submersion migratoire de l’Europe a été fomenté par George Soros, milliardaire hongrois, il y a plusieurs années. Il s’agissait simplement d’une proposition de refonte du système d’asile européen, présentée par le lobbyiste en 2015.
Sur Facebook, des dizaines de publications ont partagé, à la mi-juillet, une même vidéo accompagnée du même texte en français, où l’on apprend via l’intervention de Victor Orbán, Premier ministre hongrois, qu’il existerait un plan caché porté par l’Union européenne pour accueillir des millions de migrants. La tête pensante de ce projet serait George Soros, milliardaire hongrois et principale figure contestataire du président.
Cette intervention de l’homme politique d’extrême droite remonte au 16 avril 2024 devant le Parlement européen, un peu moins d’un mois avant l’adoption du pacte “asile-immigration” par le Conseil de l’Union européenne. Selon l’UE, cette réforme a pour objectif de mieux identifier les réfugiés arrivant en Europe pour limiter l’immigration illégale et mettre en place des lieux de passage très contrôlés dans les zones les plus difficiles comme la frontière turque.
Ce dispositif est très critiqué par l’aile gauche du Parlement européen pour son traitement “inhumain” des réfugiés, mais aussi par l’extrême droite européenne, qui accuse le Parlement d’organiser une “submersion migratoire”.
Un article d’un journal d’opinion
Ce dernier point est l’argument repris par Victor Orbán dans la vidéo très partagée sur les réseaux sociaux. Pour lui, ce pacte aurait été pensé des années auparavant par nul autre que George Soros. Il s’appuie sur un article publié en 2015 sur le site web Project Syndicate, une organisation à but non lucratif dont l’activité principale est de publier des papiers d’opinion sur des sujets variés. George Soros y donne régulièrement son avis sur l’Europe, l’économie, la diplomatie…
Dans le papier en question, titré “Reconstruire le système d’asile”, le milliardaire hongrois évoque l’afflux de réfugiés politiques et climatiques en Europe. Il y fustige la façon dont ils sont traités et appelle les pays membres à “abandonner leurs intérêts égoïstes et agir pour le bien commun.” Pour lui, les demandeurs d’asile sont les premières victimes du système actuel.
Entamant son analyse de texte, Viktor Orbán affirme que George Soros prévoit dans ce texte “d’accueillir un million de demandeurs d’asile par an”. C’est exact. Le philanthrope ajoute même que pour y parvenir, il faut “rétablir équitablement le poids de cet effort.” Autrement dit : il appelle à ne pas laisser les pays méditerranéens seuls gérer la crise.
Des propositions pour répartir le poids financier
Viktor Orbán enchaîne en évoquant le coût de ces arrivées pour les pays européens. Il explique que George Soros souhaite les financer par “l’émission d’obligations à long terme en euros”. Une idée qui paraît folle au Premier ministre hongrois. Derrière ce jargon se cache un simple emprunt, où différents acteurs possèdent chacun une partie de la dette européenne.
En réalité, George Soros va même plus loin et souhaite que l’Union européenne finance, à hauteur de 15 000 euros par réfugié, les coûts de logement, d’éducation et de soins médicaux les deux premières années.
Poursuivant sa lecture, Viktor Orbán dévoile une autre idée du milliardaire : l’établissement de canaux sécurisés d’immigration pour les réfugiés. L’idée de George Soros est ici de “réduire la panique”, qui serait liée à l’évocation d’une “submersion migratoire incontrôlée”, et de “réduire le nombre de migrants qui s’engagent dans la dangereuse traversée de la Méditerranée.” Il évoque ainsi la mise en place d’un passage en Turquie, mise à l’épreuve à l’époque par la guerre en Syrie.
Viktor Orbán conclut son intervention par un brin de complotisme : “Ce n’est pas accidentel. C’est un plan qui est en marche. C’est écrit. Ça a été publié. Nous luttons contre un gang de crimes organisés appelé “Empire de George Soros.”’
Un lobbyiste comme un autre
Pourtant, George Soros n’a pas d’influence directe sur les décisions prises à l’échelle européenne. Il ne participe pas aux votes, et ne nomme personne. C’est un lobbyiste, qui, à travers son réseau de fondations, tente d’influencer les décisions. C’est un phénomène très répandu dans les institutions européennes qui comptent plus de 50 000 lobbyistes inscrits sur le registre de transparence. Ils fournissent aux 720 députés des rapports, des éléments de langage, des informations sur les intérêts qu’ils défendent que les parlementaires sont libres de lire ou non. À la fin, ce sont les députés élus qui décident de leur vote.
Il est vrai que l’on retrouve dans ce pacte des idées déjà évoquées dans le “plan” de George Soros, comme la mise en place de centres de rétention à l’extérieur de l’Union européenne, ou le principe de solidarité entre les États membres. Mais d’autres mesures ont été ajoutées par le Parlement européen, et celles-ci vont plutôt dans le sens de Viktor Orban. L’Union européenne souhaite notamment faciliter l’expulsion des personnes n’ayant pas obtenu l’asile, et établir des accords bilatéraux avec des pays frontaliers pour qu’ils renforcent leurs contrôles à l’entrée de l’UE. Difficile de voir la main de George Soros derrière ce genre de mesures.
Pour éviter de répéter des scandales de corruption comme le “Qatargate”, évoqué en janvier dernier par Les Surligneurs, ces lobbys sont de plus en plus contrôlés. Pour autant, ils restent aujourd’hui omniprésents dans le fonctionnement des institutions européennes.
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