Frédéric Péchenard préconise d’interdire l’ensemble des manifestations programmées pour les prochains rassemblements des « gilets jaunes » jusqu’à ce que les violences cessent.
Dernière modification : 20 juin 2022
Auteur : Jérémy Surieu, sous la direction de Jean-Paul Markus, professeur de droit public
Source : France Info, 18 mars 2019
M. Péchenard fait fausse route en affirmant qu’il convient d’interdire les manifestations des gilets jaunes dans toute la France. Ces interdictions ne peuvent en aucun cas être générales et doivent être proportionnées au risque de trouble à l’ordre public qui est susceptible de se produire. Or si ce risque est aussi avéré que grave, il se limite à quelques zones géographiques.
Interrogé sur les violences survenues à Paris le samedi 16 mars, le vice-président de la région Île-de-France Frédéric Péchenard préconise d’interdire l’ensemble des manifestations programmées pour les prochains rassemblements des « gilets jaunes » jusqu’à ce que les violences cessent. Cette proposition, bien que pouvant faire sens à première vue au regard des dégradations importantes occasionnées chaque samedi par ces manifestations répétées, est toutefois en contradiction totale avec le principe de proportionnalité des mesures de police, que le juge fait scrupuleusement respecter.
Les manifestations sont l’expression d’une liberté, et en la matière le Conseil d’État considère depuis un arrêt dit Benjamin, aussi ancien que connu que les autorités compétentes pour édicter des mesures de police, c’est-à-dire le maire ou le préfet à l’échelle locale et le premier ministre à l’échelle nationale doivent nécessairement ajuster la sévérité de ces mesures de police (comme les interdictions ou limitations) à l’ampleur des troubles redoutés. Cela signifie que les interdictions de manifester ne peuvent revêtir un caractère trop général – par exemple à l’échelle nationale – lorsque les violences redoutées, certes graves, sont très localisées, comme c’est le cas à Paris.
De façon générale, le juge administratif contrôle étroitement les interdictions de manifester sur la voie publique. Le Conseil d’État a pu par exemple juger légale l’interdiction d’une manifestation organisée par une association de lutte contre l’avortement en raison de l’impossibilité pour les forces de l’ordre de circonscrire les manifestants qui se livraient à des intrusions dans les hôpitaux pratiquant l’IVG : ces manifestants « compromettaient la santé ou la sécurité des personnes accueillies au centre hospitalier, en risquant de gêner l’accès des véhicules de secours et de troubler le fonctionnement normal du service » . Il y avait donc proportion entre l’interdiction et le danger. Les autorités de police sont donc tenues à un nécessaire équilibre entre, d’une part la nécessité du maintien de l’ordre et, d’autre part le respect de la liberté de manifester, qui constitue un droit fondamental.
C’est pourquoi les interdictions générales, comme celle que préconise M. Péchenard, seraient disproportionnées, d’autant qu’elles auraient nécessairement un caractère permanent. On peut citer en exemple cet arrêté interdisant toute pratique de propagande électorale sur l’ensemble de la journée dans une commune, que le juge a annulé. On rappellera aussi la jurisprudence sur les arrêtés de « couvre-feu » pris dans certaines villes, destinés à éviter que les mineurs se promenèrent seuls dans certains quartiers : le juge les a approuvés, parce qu’ils étaient limités dans le temps et dans l’espace (seulement les quartiers posant problème). Pour toutes ces raisons, une interdiction générale serait annulée par le juge.
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