François-Xavier Bellamy : “Pour la première fois, la GPA est condamnée dans un texte de droit international”
Autrice : Amandine Tochon, master droit international et droit européen à l’Université de Lille
Relecteur : Christian Osorio Bernal, juriste et enseignant en droit des affaires européennes et internationales à l’Université de Lille
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Aya Serragui
Source : Le Figaro, 25 avril 2024
Exemple typique d’un texte juridique sorti de son contexte : la résolution du Parlement européen se limite à considérer certains cas de GPA forcée comme de la traite d’êtres humains. Mais rien n’est dit sur la GPA librement consentie, qui ne relève pas du droit européen, mais du droit national.
Certains médias comme Europe 1 affirment que “le Parlement européen vient de reconnaitre la gestation pour autrui comme une traite des êtres humains”. François-Xavier Bellamy, député européen, s’est joint à ce mouvement, se réjouissant dans les colonnes du Figaro que “Pour la première fois, la GPA est condamnée dans un texte de droit international”. Or, c’est faux.
Ces propos sont fondés sur une résolution législative votée le 23 avril 2024 par le Parlement européen, qui vient apporter des modifications à la directive du 5 avril 2011 concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes.
Un texte en réalité sur la lutte contre le trafic d’êtres humains
La directive de 2011 sur la lutte contre le trafic d’êtres humains instaurait pour la première fois une définition commune et élargie de la traite des êtres humains, incluant différentes formes d’exploitation (Article 2 de la directive du 5 avril 2011). Elle a imposé aux États membres d’adopter des sanctions pénales pour les auteurs de traite d’êtres humains (Article 4 de la même directive), garantissant ainsi une harmonisation des réglementations et des sanctions à travers l’Union.
La résolution tendant à modifier la directive de 2011 sur la lutte contre le trafic d’êtres humains vise à élargir la définition de la traite d’êtres humains pour l’adapter à des nouvelles pratiques. Plus précisément, elle étend la liste des infractions liées à la traite d’êtres humains (Article 2 de la directive).
Seule la traite d’êtres humains par GPA forcée est concernée
La résolution en question, loin de criminaliser toutes les GPA, se limite à inclure dans la liste des cas de traite d’êtres humains “l’exploitation de la gestation pour autrui, du mariage forcé ou de l’adoption illégale” (Article 2 de la directive telle que modifiée par la résolution). Concernant plus spécifiquement la GPA, la résolution vise “les personnes qui forcent les femmes à être mères porteuses ou qui les amènent à agir ainsi par la ruse” (Considérant 6 de la directive telle que modifiée). Dès lors, le Parlement européen n’a pas qualifié la GPA en soi comme une traite d’êtres humains. C’est uniquement l’exploitation abusive d’êtres humains au moyen d’une GPA qui est désormais considérée juridiquement comme un cas de traite d’êtres humains.
Les États restent libres de légiférer sur la GPA librement consentie
La résolution portant modification de la directive 2011 souligne que les règles prévues par celle-ci ne préjugent pas des législations nationales sur la gestation pour autrui, y compris en matière de droit pénal ou de droit de la famille (Considérant 6 de la directive 2011/36/UE modifiée). Cela signifie que la résolution ne vise pas à réglementer la gestation pour autrui, laissant cette question à la discrétion des législations nationales.
D’ailleurs, un texte criminalisant tous les cas de GPA, comme le prétend François-Xavier Bellamy, n’aurait jamais été adopté par le Parlement européen, tant la GPA suscite des débats au sein de l’Union, avec des législations nationales très divergentes : la France et plusieurs autres pays l’interdisent formellement, tandis que d’autres la tolèrent sans l’autoriser explicitement, comme en Irlande ou en Pologne. Certains États comme le Danemark et les Pays-Bas la permettent sous des conditions strictes, tandis que la Roumanie l’autorise de manière rémunérée.
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