François Bayrou : une “personne ayant commis des actes de barbarie ne doit pas pouvoir être déclarée irresponsable sans procès ni débat contradictoire”

Création : 5 mai 2021
Dernière modification : 22 juin 2022

Autrice : Léa Blouet, élève-avocate à l’École des Avocats du Grand Ouest

Relectrice : Audrey Darsonville, professeure de sciences criminelles, Université Paris-Nanterre

Source : BFM TV, BFM Politique, 25 avril 2021, 23’’04

Dans l’affaire du meurtre de Sarah Halimi, son agresseur a été déclaré irresponsable pénalement. Mais la demande de l’ancien ministre de la Justice est inutile : depuis une loi de 2008, et dans l’affaire Halimi, il y a bien eu une audience et débat contradictoire.

Le président du MoDem, François Bayrou, s’est exprimé au sujet du meurtre de Sarah Halimi en 2017 à Paris. L’irresponsabilité pénale de l’auteur des faits a été confirmée par la Cour de cassation : il ne peut être jugé. L’ancien ministre de la Justice a alors exprimé son souhait qu’aucune déclaration d’irresponsabilité ne puisse être faite, sans qu’un débat contradictoire ait lieu, ajoutant qu’on le “doit aux victimes et à ceux qui les pleurent”. Si l’émotion devant la violence des faits est compréhensible, la proposition de François Bayrou semble en revanche inutile. 

En avril 2017, Sarah Halimi, 65 ans, est sauvagement battue puis défenestrée par son voisin Kobili Traoré, âgé de 27 ans. Mis en examen pour ces faits, ce dernier sera déclaré irresponsable pénalement, ce qu’a confirmé la Cour de cassation dans un arrêt du 14 avril 2021

En réclamant la tenue d’un débat contradictoire avant toute déclaration d’irresponsabilité pénale, l’ancien garde des Sceaux semble oublier que d’une part, une audience publique et contradictoire s’est déjà tenue sur cette question, et que d’autre part, cette procédure est maintenant rendue possible depuis une dizaine d’années.

C’est la loi du 25 février 2008 qui a réformé le traitement judiciaire des personnes déclarées irresponsables pénalement. Auparavant, lorsque l’irresponsabilité pénale était déclarée, une simple ordonnance de non-lieu pour cause de trouble mental était rendue par le juge d’instruction, ce qui rendait tout procès impossible. Parce que les victimes ont besoin de connaître et de comprendre les faits, la loi de 2008 a instauré la possibilité d’une audience publique et contradictoire devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel, avant de pouvoir, le cas échéant, déclarer l’irresponsabilité pénale. 

Déroulement de l’audience préalable à la déclaration d’irresponsabilité pénale

Les dispositions du Code de procédure pénale prévoient que le juge d’instruction est tenu d’informer les parties ainsi que le Procureur de la République s’il estime que le discernement de la personne mise en examen était aboli au moment des faits et doit donc être déclarée pénalement irresponsable (article 122-1 du Code pénal).

À ce stade, les parties ou le procureur de la République peuvent demander à ce que la chambre de l’instruction de la cour d’appel soit saisie afin qu’un débat contradictoire entre les parties puisse se tenir. Cette audience permet à la chambre de l’instruction de statuer sur la réalité des charges pesant sur le mis en examen ainsi que sur l’existence ou non d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli le discernement du mis en examen. 

Durant cette audience publique, le président de la chambre de l’instruction peut, soit d’office, soit à la demande du ministère public, du mis en examen ou encore de la partie civile, ordonner la comparution du mis en examen, qui sera nécessairement assisté par un avocat. Au cours des débats, les experts et les témoins peuvent être entendus.  

Une fois que l’avocat de la partie civile est entendu et que le ministère public a pris ses réquisitions, la personne mise en examen, présente à l’audience, ainsi que son avocat ont la parole en dernier. C’est ce qui s’est passé dans le cas de l’affaire Halimi.

À l’issue de cette audience, la chambre de l’instruction aura alors la possibilité, si elle en est convaincue, de déclarer la personne irresponsable, tout en reconnaissant que les charges contre elle sont suffisantes. .

Donc contrairement aux propos tenus par François Bayrou, une audience publique et contradictoire a bien eu lieu devant la chambre de l’instruction dans l’affaire de Sarah Halimi.

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