Football : la CJUE a-t-elle signé la fin des indemnités de transfert ?
Dernière modification : 9 octobre 2024
Autrice : Emilie Mellah, M2 droit européen et droit international à l’université de Lille
Relecteurs : Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 4 octobre 2024
Des internautes prétendent que la Cour de justice de l’Union européenne interdit toute indemnité de transfert. Cette affirmation est très exagérée. Avec son arrêt du 4 octobre 2024, la Cour ouvre simplement la voie à une réforme, sans pour autant supprimer ces indemnités.
Perçue comme l’arrêt « Bosman 2.0 » — un arrêt majeur de 1995 sur le transfert international de joueurs —, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne du 4 octobre pose de nouveau la question des indemnités.
Par un arrêt du 4 octobre 2024, la CJUE a estimé que les règlements de la FIFA étaient contraires aux lois européennes sur la concurrence et la libre circulation des personnes. Elle demande donc à la FIFA de s’y conformer.
Plus de 20 millions d’euros pour récupérer un joueur ?
Remontons en arrière. En 2014, un footballeur français, Lassana Diarra, rompt son contrat avec le club russe Lokomotiv Moscou. Après ce départ, le club réclame 20 millions d’euros d’indemnités, comme le prévoient les règles de la FIFA en cas de rupture de contrat « sans juste cause ».
De plus, la FIFA refuse de délivrer le certificat international de transfert (CIT), qui est nécessaire pour qu’un joueur puisse participer à des compétitions pour le compte d’un autre club. Conséquence : Lassana Diarra ne peut donc pas rejoindre un nouveau club en Belgique, le Sporting du Pays de Charleroi, car ce dernier aurait dû aider à payer l’indemnité réclamée.
Face à cette situation, Lassana Diarra a attaqué la FIFA et la Fédération belge de football en justice. Après avoir perdu une première décision devant la FIFA, il poursuit son action en Belgique où l’affaire se retrouve devant la Cour de justice de l’Union européenne sur la base de l’article 45 du TFUE — qui protège la liberté de circulation des travailleurs.
Une disproportion selon la CJUE
La Cour de justice de l’Union européenne a finalement jugé que certaines règles de la FIFA — comme la responsabilité solidaire entre le joueur et le nouveau club pour payer l’indemnité, et le blocage des transferts tant qu’un litige existe — empêchent la libre circulation des joueurs. Dans le cas actuel, les règles de la FIFA sont jugées trop strictes et donc disproportionnées.
Si les indemnités de transfert ne sont pas la norme, certaines d’entre elles font les gros titres. D’après le rapport des transferts mondiaux de la FIFA, en 2022, sur 20 209 transferts internationaux dans le football professionnel masculin, 2 843 ont inclus des indemnités de transfert dont les dix plus chers représentaient 12,5 % du montant total. Pour rappel, l’indemnité à payer pour Lassana Diarra était de 20 millions d’euros, par le nouveau club ou le joueur lui-même.
Après cet arrêt, la FIFA devra modifier certaines de ses règles pour les aligner sur les lois européennes en permettant aux joueurs de rompre leur contrat plus facilement sans que cela pénalise lourdement leur futur club. Ainsi, les indemnités ne sont pas interdites.
Des indemnités pas forcément remises en cause en tant que telles
Les juges estiment même que prévoir des indemnités en cas de rupture du contrat permet « d’assurer la régularité des compétitions de football interclubs » et de « maintenir un certain degré de stabilité dans les effectifs de l’ensemble des clubs de football professionnel ».
De son côté, la FIFA s’est dite « satisfaite que la légalité des principes clés du système de transfert ait été reconfirmée dans la décision d’aujourd’hui », dans un communiqué relayé dans les médias. D’après l’instance internationale, le jugement « ne remet en cause que deux paragraphes de deux articles du règlement de la FIFA sur le statut et le transfert des joueurs ».
Mais dans le cas de Lassana Diarra, les indemnités — 20 millions d’euros — sont vues comme disproportionnées, surtout lorsqu’elles sont calculées sur des critères peu objectifs et que le joueur peut être contraint de payer à la place du club. Ces indemnités peuvent donc être acceptées à condition qu’elles ne soient pas disproportionnées, qu’elles reposent sur des critères de calcul transparents et qu’elles tiennent compte des particularités de chaque situation.
En résumé, la Cour n’interdit pas toute indemnité de transfert, elle ouvre plutôt la porte à une réforme des règles de la FIFA afin que ces sommes qui atteignent parfois des sommets ne dissuadent pas totalement un joueur de changer de club. C’était déjà toute la philosophie de l’ancien arrêt Bosman, en 1995, de cette même cour, qui engage à trouver un équilibre et assurer la libre circulation des professionnels en Europe sans mettre à bas le modèle européen de compétition de football.
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