Florian Philippot annonce avoir saisi l’ONU contre l’accord de sécurité Ukraine-France
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Source : Compte X de Florian Philippot, 8 mars 2024
La plainte déposée auprès de l’ONU n’est pas recevable car les plaignants n’ont pas épuisé tous les recours juridictionnels en France auparavant. De plus, elle n’a aucun rapport avec les droits de l’Homme.
Florian Philippot, président du parti Les Patriotes, annonce avoir « saisi », avec le concours de parlementaires et d’associations, le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU au sujet de l’accord de sécurité signé entre la France et l’Ukraine. Ce Conseil est l’organe des Nations Unies chargé de protéger et de faire la promotion des droits de l’Homme à travers le monde. L’initiative de Florian Philippot a peu de chances d’aboutir car les conditions pour saisir cet organe ne sont pas réunies.
N’importe quel citoyen peut saisir le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU…
Selon la procédure fixée par le Conseil des Droits de l’Homme, (procédure 1503), l’envoi d’une « communication » (c’est-à-dire en fait une plainte) au Conseil des Droits de l’homme est ouverte à tous. Il est toutefois recommandé de se rapprocher d’un barreau ou d’une ONG pour accompagner la procédure. Florian Philippot et tout un chacun peuvent donc bien saisir le Conseil des Droits de l’Homme.
Mais pas n’importe comment
Le dépôt d’une communication auprès du Conseil doit respecter certains critères. Cette communication doit être précise et démontrer l’existence d’une violation flagrante et systématique des droits inscrits dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Cette saisine ne doit pas être anonyme, ni reposer uniquement sur des informations relayées massivement par les réseaux sociaux par exemple, mais sur des faits clairs et établis. A ce stade, Florian Philippot est recevable, mais cela se corse ensuite.
D’abord, la communication ne doit pas être motivée par des raisons politiques. Or Florian Philippot fait de la politique, il conteste la politique étrangère du Président, et sa saisine du Conseil des droits de l’homme s’inscrit dans son action politique. Sinon, pourquoi clamerait-il sur son compte officiel lié à son parti, qu’il vient de saisir l’ONU ? D’autant que la plainte soutenue par Philippot émane de parlementaires.
Ensuite, avant de pouvoir saisir les instances de l’ONU, tous les recours internes devant les juridictions doivent être épuisés. Le ou les plaignants doivent donc avoir saisi tous les niveaux de juridiction au niveau national avant de saisir le Conseil des Droits de l’Homme. Ce n’est pas le cas ici. Cette saisine sera par conséquent déclarée irrecevable : Florian Philippot doit d’abord saisir les tribunaux internes, même s’il n’a pratiquement aucune chance de succès. Face à la décision du Président de signer un traité, le juge administratif se déclarera incompétent et ne statuera pas sur le fond : signer un traité est un « acte de gouvernement« , c’est-à-dire un acte qui relève du seul pouvoir exécutif et sur lequel l’autorité judiciaire ne saurait se prononcer dans violer le principe de séparation des pouvoirs (jurisprudence qui remonte à décision du Conseil d’Etat du 9 mai 1867 dite « Duc d’Aumale »). Mais il n’empêche que Florian Philippot doit passer par les tribunaux internes avant.
De plus, les plaignants, par la voix (ou le tweet) du sénateur Alain Houpert, invoquent le premier article de la Charte des Nations Unies, qui précise les buts de l’ONU dont l’un d’eux est de garantir la paix. Or, d’une part, il existe plusieurs manières de garantir la paix, et d’autre part le Conseil des droit de l’homme doit être saisi pour des… droits de l’Homme. La paix ne fait pas partie des droits de l’homme.
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