Fin des trottinettes à Paris : selon l’opposition, « plutôt que de prendre la décision elle-même (…) la maire s’est défaussée sur les Parisiens »
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng
Source : Le Parisien, 2 avril 2023
Reprocher à la Maire de Paris de s’en remettre à la population parisienne pour décider du sort des trottinettes en libre-service, tout en réclamant plus d’écoute de la population, notamment s’agissant de la réforme des retraites, voilà qui est très contradictoire. D’autant que la consultation locale ou le référendum local apparaissent selon les analystes politiques comme le moyen privilégié de réintéresser les citoyens aux affaires publiques.
Curieuse réaction après la publication du résultat de la consultation des Parisiens sur le sort des trottinettes en libre-service dans la capitale : Maud Gatel, présidente du groupe MoDem, Démocrates et Écologistes au Conseil de Paris, juge sévèrement que « cette consultation ne fait qu’acter l’incapacité d’Anne Hidalgo de mener une politique efficace en matière de mobilité. Elle n’a jamais réussi à réguler ces trottinettes électriques en libre-service, et plutôt que de prendre la décision elle-même de mettre un terme à ce système, la maire s’est défaussée sur les Parisiens ».
Voilà qui est surprenant : des élus municipaux appartenant à des partis politiques qui au plan national réclament à cor et à cri une plus grande participation citoyenne sur la réforme des retraites en dénonçant un mode de gouvernement « jupitérien« , puis qui reprochent à la maire de Paris d’avoir consulté les Parisiens et de se conformer à leur avis…
Consulter la population locale serait « se défausser », mais pas consulter la population nationale ?
À entendre cette partie de l’opposition municipale parisienne, consulter la population parisienne reviendrait à « se défausser« : le juriste un peu obtus en tire la conclusion qu’un référendum d’initiative partagée sur les retraites à l’échelle nationale serait aussi un moyen de se défausser pour le Président de la République. Or il existe deux types de consultations au niveau local, dont les mêmes partis politiques prônent l’usage plus intensif : le référendum local et la consultation locale. Dans les deux cas, la loi permet à un maire, mais aussi un président de conseil départemental ou de conseil régional, de rechercher l’assentiment de sa population à propos d’une « affaire de la compétence » de la commune, du département ou de la région.
La différence entre référendum local et consultation locale
Dans le cas d’une consultation locale des électeurs, ces derniers sont « consultés« selon le Code général des collectivités territoriales (CGCT) : cela signifie selon le même Code, « qu’après avoir pris connaissance du résultat de la consultation, l’autorité compétente de la collectivité territoriale arrête sa décision sur l’affaire qui en a fait l’objet« . Dans l’affaire des trottinettes, la maire de Paris avait choisi ce mode de consultation : elle n’était donc pas liée par le résultat, surtout lorsque seuls 7,46 % des électeurs inscrits se sont déplacés, mais elle pouvait librement décider de s’y conformer, ce qu’elle a annoncé vouloir faire.
L’autre mode de consultation est le référendum local, plus contraignant : « Le projet soumis à référendum local est adopté si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s’il réunit la majorité des suffrages exprimés », selon le CGCT. Autrement dit, le maire n’a pas le choix face à la majorité qui se dégage lors du scrutin.
Réinvestir le citoyen dans les affaires publiques ?
Alors que la démocratie élective fait l’objet de critiques acerbes, la consultation de la population constitue un moyen pour nombre d’analystes politiques de renouveler l’intérêt des citoyens pour les affaires publiques et dans une large mesure de restaurer la confiance dans les institutions. Reste que ces consultations ne permettent pas tout : elles sont encadrées dans le temps, en particulier à l’approche des élections locales pour éviter leur instrumentalisation. Elles sont encadrées sur le fond, au sens où un élu local ne peut demander l’avis de sa population sur des affaires d’intérêt national. Ainsi furent déclarées illégales par le juge une consultation sur des questions migratoires, sur le tracé d’une autoroute, ou encore sur l’attribution des logements sociaux selon des critères de nationalité.
En dehors de ces cas et de celui des décisions individuelles, qui ne peuvent être soumises à consultation, l’éventail des sujets pouvant être soumis à la population est vaste. En particulier, cet instrument juridique permet aussi de trancher des questions relatives à des projets controversés d’aéroports locaux, de rocades, d’équipements tels que stades ou piscines, ou encore de méga-bassines…
Contactée, Maud Gatel n’a pas répondu à notre sollicitation.
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