#FactCheck. Une entreprise israélienne produit-elle vraiment des steaks végétaux avec des cellules d’origine animale ?
Dernière modification : 29 mai 2024
Autrice : Sasha Morsli Gauthier, étudiante à Sciences Po Paris
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École Publique de Journalisme de Tours
Source : Compte Facebook, 9 mai 2024
Des internautes s’alarment sur les pratiques d’une entreprise de steaks végétaux qui utiliserait des cellules animales pour produire leur viande à l’aide d’une imprimante 3D. Une tromperie des consommateurs qui relève en réalité de la fiction.
Le début d’un scandale sanitaire ? Relayées depuis plusieurs mois, de nombreuses publications Facebook accusent l’entreprise israélienne Redefine Meat d’utiliser des “cellules souches animales” pour fabriquer leurs viandes végétales. Pour ce faire, la société emploierait, depuis l’une de ses usines aux Pays-Bas, une technologie novatrice dans le secteur alimentaire : l’impression 3D.
Si les techniques d’impressions 3D avec des cellules végétales et animales existent bel et bien, la deuxième est strictement interdite dans l’Union européenne.
À en croire les internautes indignés, nous aurions donc affaire à un véritable scandale de l’industrie alimentaire, à l’instar du film dystopique “Soleil Vert”, où une grande partie de la nourriture produite est en réalité issue de cadavres humains.
Or, comme ont pu le vérifier Les Surligneurs, les accusations dont sont victimes Redefine Meat, relèvent, comme pour « Soleil vert« , de la fiction.
Viande in vitro
Sur les réseaux sociaux, pourtant, les prétendus lanceurs d’alerte semblent bien informés. Ils dénoncent l’impression de “500 tonnes de steaks par mois” dans une “usine en Hollande” et s’inquiètent de la vente de ces “filets imprimés” dans “110 restaurants allemands”.
À cette allégation s’ensuit une explication détaillée du processus de culture de cellules animales, et de fabrication, à l’aide d’une imprimante 3D, de “viande in vitro”. Tout cela selon un “reportage”, dont ni le nom, ni l’auteur ne sont mentionnés.
Soja, pois, blé… Et rien d’extraordinaire
Pour en savoir plus, Les Surligneurs ont d’abord regardé du côté du site Internet de la société israélienne. Dès sa page d’accueil, le site de l’entreprise présente ses produits comme une “nouvelle viande” composée d’« ingrédients 100% végétaux.”
En lisant plus en détail la liste des ingrédients de chacun des produits proposés à la vente, le constat est sans appel : soja, pois, et parfois même jus de framboise, mais pas de gras, de couenne ou d’os à l’horizon.
Parmi les produits de l’entreprise présents dans les bases de données Open Food Facts, la liste des ingrédients confirme l’absence d’un quelconque produit porcin, bovin ou autre : que du végétal. Rien d’alarmant de ce côté-ci non plus.
Contactée, Redefine Meat assure auprès des Surligneurs qu’elle “n’utilise ni cellules souches animales, ni ingrédients d’origine animale” dans la confection de ses produits.
Un vrai article, mais des infos mélangées
Mais alors, d’où provient l’idée que cette entreprise imprime des steaks à partir de cellules animales ? Les internautes auraient-ils des informations secrètes qui auraient échappé aux autorités de contrôle sanitaire des aliments ?
La réalité est beaucoup moins spectaculaire, comme l’ont découvert Les Surligneurs en remontant à la genèse de ces accusations. En effet, certains des posts disponibles sur les réseaux sociaux indiquent la source qui serait à l’origine de ce prétendu scandale. Il s’agirait d’un texte rédigé par une certaine Brooke Becher, journaliste spécialisée dans la robotique et l’informatique pour le média et site de recherche d’emplois américain Built In.
Si la journaliste a bien écrit un article intitulé “What Is 3D-Printed Meat?” (“Qu’est-ce que la viande fabriquée par impression 3D ?”) en 2023, il n’est pas question de scandale dans l’industrie alimentaire, mais d’une simple description du processus d’impression 3D de la viande animale et végétale.
Or, les publications qui circulent aujourd’hui sur Facebook sont en fait un copié-collé — approximativement traduit — d’une partie de cet article. On est donc assez loin de l’investigation qui révèlerait des pratiques cachées aux consommateurs.
C’est d’autant plus vrai que, dans son texte, l’autrice mentionne bien l’entreprise Redefine Meat comme une société qui produit de la viande… “à base de végétaux”.
Des sources qui n’en sont pas
Et les confusions ne s’arrêtent pas là. Une source censée confirmer les accusations sur la société israélienne est également mise en avant par les internautes.
Il s’agirait d’un « reportage« , sans que plus d’informations soient détaillées. Les Surligneurs sont partis à la recherche des sources documentaires qui mentionnent l’entreprise Redefine Meat et ont trouvé trois enquêtes.
La première, réalisée par Reuteurs et publiée il y a un an, ne fait pas mention de viandes d’origine animale. Une autre, porte sur l’impression 3D de steaks de bœuf japonais Wagyu et est intégré à l’article de Brooke Becher. Là encore l’article fait le distinguo entre les deux entreprises et les deux techniques, et répète que Redefine Meat ne produit que des viandes de substitution.
Enfin, un troisième article, venu cette fois d’Australie, s’intéresse aussi aux accusations qui ciblent Redefine Meat. Et leurs conclusions sont les mêmes que les nôtres. Rien ne permet d’affirmer que l’entreprise utilise un procédé à base de cellules animales.
Restent enfin les photos partagées sur les réseaux sociaux, censées démontrer le procédé technique qui permet l’impression 3D de cette viande fabriquée à partir de supposées cellules animales.
S’il est vrai qu’elles sont bluffantes — le steak semble tout droit provenir de la cuisse d’un porc — les images sont issues de deux reportages sur l’entreprise Redefine Meat. La première provient d’un reportage de DW de 2021, et la seconde d’un autre de 2022, filmé par Euronews. Et, sans surprise, aucun des deux ne fait mention de viandes fabriquées à partir d’animaux. En tout état de cause, les internautes semblent se fourvoyer en amalgamant deux types d’aliments différents, mais fabriqués avec la même technologie.
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