Fabien Di Filippo, député Les Républicains, s’est plaint à l’Assemblée nationale que : “Certains pays comme la France […] ont déjà été condamnés par la CEDH pour avoir voulu expulser dans leur pays d’origine des terroristes avérés !”

Création : 23 février 2018
Dernière modification : 17 juin 2022

Auteur : Vincent Couronne

Source : Fabien Di Filippo, Assemblée nationale, 15 févr. 2018

Le député (LR) Fabien Di Filippo ne peut pas laisser croire que la Cour européenne des droits de l’homme empêche l’expulsion des terroristes. Elle a seulement demandé à la France de repousser l’expulsion, sans succès, et pour éviter que l’individu soit torturé en Algérie, mais faut-il rappeler que la torture fait l’objet d’une prohibition absolue ?

Le député Les Républicains Fabien Di Filippo a presque raison : la Cour européenne des droits de l’homme a bien demandé à la France de reporter l’expulsion d’un terroriste « avéré », qui a purgé une peine de prison pour avoir été lié à un projet d’attentat en France au début des années 2000. Mais elle n’y est pas parvenue, car lorsque sa demande a été communiquée aux autorités françaises, à 16h18, les portes de l’avion en partance pour l’Algérie étaient déjà fermées…

Or, il a tort de faire croire que la Cour européenne des droits de l’homme empêcherait la France d’expulser des terroristes. Elle rappelle régulièrement qu’elle a « une conscience aiguë de l’ampleur du danger que représente le terrorisme pour la collectivité et, par conséquent, de l’importance des enjeux de la lutte antiterroriste. Devant une telle menace, la Cour considère qu’il est légitime que les États contractants fassent preuve d’une grande fermeté à l’égard de ceux qui contribuent à des actes de terrorisme, qu’elle ne saurait en aucun cas cautionner ».

Pour ces raisons, la Cour admet les expulsions.

En revanche, il y a un cas dans lequel l’expulsion d’une personne condamnée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme est une impossibilité absolue pour la Cour européenne des droits de l’homme : lorsque la personne risque réellement de subir des actes de torture. Ces pratiques sont interdites tant en droit international qu’en droit interne de la manière la plus catégorique, notamment par l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ») dont la ratification, il faut le rappeler, a été autorisée par le Parlement français en 1973. Il est donc normal qu’une cour créée par la volonté des États pour assurer le respect d’un droit assure le respect de ce droit.

Outre cet argument de logique purement juridique, il y a une logique intellectuelle à considérer qu’il serait vain d’interdire la torture en France et en Europe si elle est pratiquée sur les individus qu’on expulse dans leur pays d’origine. Ce serait contourner l’interdiction en envoyant l’individu se faire torturer ailleurs. Dans ces conditions, qui pourrait encore défendre l’interdiction d’une telle pratique sur notre territoire ?

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