États-Unis : non, l’application CBP One ne permet pas aux personnes migrantes d’entrer sur le territoire avec une simple photo
Autrice : Lili Pillot, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 22 novembre 2024
Certains partisans anti-démocrates affirment que l’application mobile CBP One permet aux immigrés de demander une autorisation de séjour temporaire aux États-Unis avec seulement une photo. C’est faux, la procédure est bien plus compliquée.
Pour une partie des Républicains et des partisans anti-démocrates, la politique états-unienne de contrôle de l’immigration aux frontières ne va jamais assez loin.
Sur Facebook, un internaute critique l’administration Biden pour avoir instauré une application mobile qui permettrait aux migrants d’entrer aux États-Unis rien qu’en chargeant une photo de profil sur la plateforme. « Le migrant clandestin n’a qu’à prendre une photo sur un téléphone ou un ordinateur et l’envoyer dans l’application. Pas de vérification d’antécédents, pas de surveillance, pas de vérifications, même pas nécessaire de s’enregistrer, juste un pass gratuit pour entrer dans le pays », affirme l’auteur du post.
Sans la mentionner explicitement, l’internaute fait référence à l’application mobile CBP One. Cette plateforme, créée en 2020, a été instaurée en mai 2023 par le gouvernement de Joe Biden comme l’un des principaux moyens d’enregistrer sa demande de séjour aux États-Unis.
Cette procédure est détaillée sur le site gouvernemental des services de la citoyenneté et de l’immigration. Comme l’évoque l’internaute, il est demandé au potentiel bénéficiaire d’ajouter une photo à son profil. « Le bénéficiaire doit entrer ses informations biographiques sur CBP One et y ajouter une photo », indique le site web officiel. Mais ce n’est pas tout.
La photographie et les renseignements biographiques ne sont qu’une des multiples étapes à franchir pour arriver au bout de la démarche. Pour obtenir une autorisation d’entrer sur le territoire états-unien, le chemin est bien plus compliqué…
Une fausse information relayée par le camp républicain
À l’origine de la prolifération de cette fausse information, il y a le milliardaire Elon Musk. En fin de campagne électorale états-unienne, le 3 octobre dernier, le milliardaire partage sur son réseau social X la vidéo d’un homme en train de s’inscrire sur CBP One. Une étape rapide — ce que soulève Elon Musk — mais qui n’ouvre à aucun droit — ce qu’il ne mentionne pas. « Il faut moins de cinq minutes et aucun document pour être approuvé en tant que migrant illégal et être envoyé aux États-Unis avec des billets d’avion payés par le contribuable américain », ironise Elon Musk.
Cet élément a été repris à de nombreuses reprises par le camp républicain pour critiquer l’action du gouvernement démocrate de Joe Biden. Quitte à déformer certains aspects de la réalité.
Dans la foulée de la publication de cette vidéo, de nombreux médias ont vérifié les propos tenus sur ce sujet. Nos confrères de Politifact, par exemple, indiquent que, si l’application CBP One permet de renseigner les informations biographiques d’un demandeur et de programmer un rendez-vous avec des fonctionnaires de l’immigration, s’y enregistrer ne garantit pas une entrée sur le territoire.
« S’enregistrer sur CBP One ne vous garantit rien »
En réalité, la procédure pour obtenir une autorisation de séjour temporaire aux États-Unis est beaucoup plus compliquée que de simplement prendre une photo. « CBP One est seulement un moyen de s’enregistrer sur la liste d’attente des demandes. S’enregistrer sur l’application ne vous donne aucun droit, ne vous garantit rien », explique aux Surligneurs le service des douanes et de la protection des frontières états-uniennes.
CBP One peut concerner n’importe quel citoyen non états-unien. Mais l’application n’intervient pas toujours au même moment de la procédure. Tout dépend de la nationalité des demandeurs. Par exemple, pour les citoyens cubains, vénézuéliens, haïtiens et nicaraguayens, qui relèvent du Cuba, Haiti, Nicaragua, and Venezuela (CHNV) parole program, CBP One intervient en troisième étape de la procédure, c’est-à-dire à la toute fin de sa déclaration administrative.
« Le programme CHNV consiste en une demande préalable de votre contact aux États-Unis qui postule pour vous soutenir [y compris financièrement, ndlr] dans vos démarches auprès des services américains. Quand toutes vos informations ont été vérifiées, les services de l’immigration vous donneront un code à entrer sur CBP One, comme n’importe quel voyageur, et là, vous pourrez venir aux États-Unis. C’est l’étape finale », nous détaille le service des douanes.
Un entretien décisif dans le processus d’immigration
Mais certaines procédures peuvent commencer directement par CBP One. Pour autant, l’enregistrement sur l’application ne se suffit toujours pas à lui-même. Selon Politifact, cette étape permet seulement de demander un entretien avec les fonctionnaires de l’immigration.
Les services de douanes nous précisent que le plus important reste l’entretien avec les fonctionnaires de l’immigration. « Quand je me présente à l’officier de l’immigration, c’est là que tout commence. C’est là que mon potentiel passé criminel peut être étudié, que je donne mes empreintes digitales, la couleur de mes yeux… Toutes ces choses interviennent au cours du processus, pour qu’on ait les plus récentes informations sur la personne qui se trouve devant nous et qui souhaite aller aux États-Unis. »
L’application CBP One est donc loin d’être un simple pass qu’il suffirait de remplir pour entrer sur le territoire états-unien, comme l’affirme l’internaute. D’autant plus que, depuis la généralisation de CBP One en 2023, des critiques se sont élevées. Notamment de la part d’Amnesty International, qui a soulevé que l’application pouvait instaurer des barrières aussi bien numériques que de langue, en plus d’attribuer les fameux rendez-vous de manière aléatoire et arbitraire.
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