Et si… 2022-2027 : bilan de la loi relative à la lutte contre le déséquilibre démographique et identitaire
Dernière modification : 27 juin 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Et si… Les Surligneurs se livrent à un exercice d’anticipation fictive afin d’évaluer la faisabilité d’une politique publique destinée à lutter contre le “grand remplacement”, une théorie avancée par l’écrivain d’extrême droite Renaud Camus. Pour comprendre cette théorie dont la validité pseudo-scientifique n’est reconnue à ce jour que par l’extrême droite, voyez parmi bien d’autres publications, les explications du quotidien Le Monde.
À la veille de l’élection présidentielle d’avril-mai 2027, et en guise de bilan de la mesure phare du quinquennat 2022-2027, il convient de relater les acquis de la réforme tendant à la lutte contre le déséquilibre démographique et identitaire, mais aussi des lacunes qui subsistent. Aussitôt passée l’élection présidentielle de 2022, une convention citoyenne au sein du Parti Français fut créée afin de plancher sur la légalisation de la lutte contre ce qu’il était à l’époque convenu d’appeler le “grand remplacement”. Comme pour toute création législative, il a fallu d’abord définir juridiquement (ou “qualifier”) ce qu’on entend par cette expression, pour ensuite élaborer une politique publique de résistance. Cette démarche était essentielle afin d’éviter tout abus de pouvoir de la part de l’autorité. Ainsi par exemple, la lutte contre les crimes et délits suppose d’abord de bien définir ces crimes et délits, afin d’assurer la sécurité juridique des citoyens. C’est la base de l’État de droit, qui fut en l’espèce scrupuleusement respecté.
Définition du “déséquilibre démographique et identitaire” au sens de la loi du 14 juillet 2022
Une loi du 14 juillet 2022, adoptée par référendum, a inséré dans le Code de la sécurité intérieure un article définissant le phénomène à combattre. Fut ainsi créé le “service public de lutte contre le déséquilibre démographique et identitaire”, lequel se caractérise par “l’essor démographique, sur le territoire français, d’une population étrangère, au détriment des populations indigènes de France, sous l’effet de l’immigration, avec pour conséquence le déclin de la culture et de l’identité françaises”. L’expression “grand remplacement” anciennement utilisée, a été jugée insuffisamment précise, et n’a donc pas été retenue pour désigner ce service public et sa finalité. Il fallut recourir au référendum, car le principe même et les outils à mettre en œuvre heurtaient la Constitution dans sa version de l’époque. Les Surligneurs l’avaient d’ailleurs expliqué dès avant l’élection présidentielle de 2022.
Pour éviter que les juges n’opèrent une interprétation détournée de la nouvelle loi, le Président de la République prit aussi soin, après coup, de demander une modification de la Constitution, ce qui fut fait, avec la réunion du Congrès à Versailles, qui déboucha sur la loi constitutionnelle du 4 octobre 2022. Depuis, le préambule de la Constitution de 1958 reste rédigé comme suit : “Le Peuple français proclame solennellement son attachement aux Droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le préambule de la Constitution de 1946, aux droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement de 2004”. Mais il est ajouté : “, ainsi qu’à l’équilibre démographique indispensable à la préservation de l’identité nationale”. La lutte contre le déséquilibre démographique et identitaire est ainsi devenue un principe constitutionnel d’action de l’État, à l’instar par exemple du principe de précaution (lequel fut toutefois supprimé par une loi du 2 février 2025, il venait d’avoir trente ans).
La loi commence par définir ce qu’elle désigne comme la “population indigène”, dont elle assure la protection identitaire. Ce fut le plus délicat, car la Déclaration des droits de l’homme interdit de tenir compte de la religion. Certains préconisèrent de supprimer l’article 10 de cette déclaration protégeant la liberté religieuse, lorsqu’une idée lumineuse et plus simple fut émise : se baser sur un critère objectif et incontestable, celui du lieu de naissance des grands-parents. En effet, certaines personnes pourtant nées en France, voire de parents nés en France, sont regardées, par leur profil, comme contribuant malgré cela au déséquilibre démographique et identitaire. C’est pourquoi la loi définit comme indigène celui dont trois grands-parents au moins sont nés en France. Un proche conseiller du Président de la République a copié-collé le modèle de la loi du 3 octobre 1940, en l’adaptant un peu.
La détermination du seuil de déséquilibre
Il fallut aussi définir précisément le déséquilibre démographique et identitaire, et pour cela fixer dans la loi du 14 juillet 2022 un seuil de population “non indigène” au-delà duquel le déséquilibre est avéré, et qui permet de déclencher les outils de lutte. Ce seuil est de 4,5% de la population totale, calculé sur l’ensemble du territoire. Il y eut discussion sur ce point : fallait-il fixer un seuil national ou par département, voire par commune ? Mais cette dernière solution aurait obligé à assurer une meilleure répartition des populations non indigènes sur le territoire, par exemple en accroissant le nombre de logements sociaux et en les répartissant mieux. Or, le temps manquait. Précision supplémentaire, ce seuil prend en compte les populations non indigènes en situation régulière et irrégulière, ce qui nécessita de créer une agence spécifique, mêlant une brigade de statisticiens de l’INSEE et des forces de l’ordre pour le recensement dans les zones à forte population non indigène (agence basée rue Lauriston, à Paris). Un délit fut instauré pour compléter le dispositif, celui de “non-dénonciation d’entrée ou de situation irrégulières sur le territoire français” (article 434-1-1 du nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er janvier 2026).
La lutte contre l’accroissement du déséquilibre démographique et identitaire : forte réduction des entrées
Le premier des instruments de lutte mis en place fut l’interdiction légale généralisée d’entrée sur le territoire, sauf pour les touristes, les étudiants valeureux, certains travailleurs spécialisés dans la cueillette, et bien sûr les ressortissants européens. Les portes d’entrée sur le territoire qui n’étaient pas gardées jusque-là le devinrent : rétablissement de la police aux frontières terrestres, y compris les frontières naturelles (Alpes, Pyrénées, Amazonie, Mayotte, etc.), avec les forces militaires intervenant en renfort (opération dite “Mirador”). Malgré quelques protestations, la Commission européenne s’est rendue à l’évidence : ce n’est pas incompatible avec la libre circulation des citoyens de l’Union européenne , dès lors que ceux-ci ne sont pas empêchés de franchir nos frontières. Reste que la Commission européenne a invoqué le “Code de Schengen” (articles 22 et 23), qui prévoit que les frontières intérieures de l’Union européenne peuvent être franchies en tout lieu sans qu’un contrôle des personnes ne soit effectué, sauf lorsque l’ordre public et la sécurité nationale l’exigent. C’est cette dernière exception, avec les articles 25 et 26 du même code qui permettent à chaque État de contrôler les étrangers entrant sur le territoire, que la France fait valoir.
Le désengagement difficile et encore en cours à l’égard du droit international et européen
Mais les liens avec l’Union européenne se sont dégradés lorsque la France a également fermé ses frontières à certains citoyens de certains États membres, considérés comme pouvant contribuer au déséquilibre en raison de leurs caractéristiques personnelles. Devant tant de désaccords, le gouvernement a finalement tenté de se retirer des accords de Schengen, mais c’est devenu impossible depuis que ces accords ont été intégrés dans le titre V du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (article 67). La Commission européenne a fini par saisir la Cour de justice. Le 4 août 2024, cette dernière a infligé à la France une astreinte de 60 millions d’euros par mois jusqu’à mise en conformité de son droit avec celui de l’Union. Le gouvernement est cependant demeuré “droit dans ses bottes”, faisant primer la Constitution. Conformément à sa jurisprudence de 1998, le Conseil d’État approuva cette position (décision du 30 octobre 2025), en rejetant le recours de certaines associations d’aide aux migrants (dissoutes depuis, en vertu du nouveau Code pénal entré en vigueur le 1er janvier 2026). Mais c’est reculer pour mieux sauter, car le même Conseil d’État sanctionne depuis 2007 le non-respect par l’État des règles internationales et européennes, au besoin en le condamnant à des dommages-intérêts en faveur des personnes pouvant être affectées. Plusieurs étrangers ont déjà déposé des recours dans ce but.
L’interdiction d’entrer ainsi confortée impliquait aussi de refouler tous les migrants se présentant aux frontières françaises. Ce n’était pas contraire à l’article 33 de la Convention de Genève relative aux réfugiés de 1951, puisque cette disposition ne concerne que les réfugiés, pas les migrants économiques. Et même s’agissant des réfugiés (provenant par exemple des pays en guerre), il existe une exemption en cas de “danger pour la sécurité du pays” (article 33 paragraphe 2). Or, si l’excès de réfugiés accentue bien le déséquilibre démographique et identitaire, le lien avec la “sécurité du pays” au sens de la Convention ne saute pas aux yeux. C’est pourquoi la France a émis une réserve sur cet article 33, mais la Convention de Genève elle-même ne le permet pas (Protocole de 1967, article 1er, § VII). Alors la France a décidé de dénoncer la Convention, ce qui est permis par l’article 44. Cette dénonciation a pris effet un an après la demande, c’est-à-dire le 8 mai 2024. Cela pourrait exonérer, en principe, la France de transposer la directive européenne de 2011 relative notamment aux conditions d’accueil des réfugiés, qui s’appuie sur la Convention de Genève, mais la question n’est pas encore tranchée.
Un droit d’asile plus étroit et délocalisé
La France, terre des Lumières et des droits de l’homme, n’a pas pour autant renoncé à accueillir les personnes victimes de persécutions (avec toutefois une définition plus resserrée de cette notion, introduite dans la loi). La procédure de demande d’asile a été confiée à nos consulats de par le monde. La procédure de demande dite “asile à la frontière“ a été supprimée. Tout étranger se disant victime de persécutions dans son pays, devra toquer à la porte du consulat français (qu’on imagine surveillé par la police secrète du dictateur local, comme tous les autres consulats). Un agent consulaire indigène de France lui communiquera la liste des documents à fournir, lui donnant rendez-vous avec son dossier complet à une date ultérieure. Si sa demande est retenue, l’étranger sera convié à venir retirer son visa de réfugié politique. Puis il pourra, l’esprit tranquille, retourner chez lui, rassembler ses affaires, embrasser sa famille, et prendre le taxi pour l’aéroport local. Reste une question non résolue : parfois, nous n’avons aucune représentation consulaire dans le pays concerné (Syrie, Afghanistan, Yémen). Mais en général les migrants originaires de ces pays viennent à pied et demandent l’asile à la frontière, ce qui n’est plus possible. La boucle est bouclée.
La lutte pour la réduction du déséquilibre démographique et identitaire : expulsion des “entrés”
Le seuil de 4,5% étant dépassé depuis longtemps en 2022, la loi devait prévoir une politique de rééquilibrage, et donc faire un sort aux personnes non indigènes en excédent sur le territoire français. On aurait pu parier sur une assimilation progressive par absorption, puisque le robinet de l’immigration était fermé. Cette solution avait le mérite de la simplicité pratique et juridique, mais il fallait des résultats rapidement en vue de l’élection présidentielle suivante. Dès lors, l’expulsion massive des non-indigènes non français s’imposait. Or, les obstacles se sont accumulés.
D’abord, les pays d’origine ont poursuivi leur politique de refus d’accueillir leurs ressortissants expulsés (par mesure de rétorsion, entre autres, la France a considérablement réduit le nombre de visas délivrés aux ressortissants de ces pays ; elle n’achète plus de gaz ni de pétrole algériens, et décourage ses retraités de passer leur retraite au Maroc). Le gouvernement a entamé des négociations en vue de traités bilatéraux avec certains États (Monténégro, Soudan, Guyana, Turquie, Libye, etc.), prévoyant que nos immigrés en situation irrégulière seraient expulsés vers leur territoire, moyennant contrepartie financière. Les pourparlers butent sur la garantie que ces personnes seront dignement traitées. Notre propre Constitution nous impose un principe de respect de la dignité humaine. Ce principe, par parenthèse, tient à une interprétation par le Conseil constitutionnel de la première phrase du préambule de la Constitution de 1946 : ”Au lendemain de la victoire remportée par les peuples libres sur les régimes qui ont tenté d’asservir et de dégrader la personne humaine, le peuple français proclame à nouveau que tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance, possède des droits inaliénables et sacrés”. Selon le gouvernement, cette interprétation est pour le moins extensive, et donc sujette à caution.
De plus, ce même préambule ajoute : “La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement”, ce qui empêche, aux yeux du juge encore, de séparer les familles. Cela nécessitera probablement une nouvelle loi référendaire, ou une modification de la Constitution. Certains conseillers du Président de la République ont également proposé de créer une instance disciplinaire compétente à l’égard des magistrats coupables d’interprétations tendancieuses des textes. Les membres de cette instance seraient directement nommés par le ministre de la Justice. Des juristes experts polonais sont actuellement consultés à cette fin.
Enfin, la Convention européenne des droits de l’homme empêche également de séparer les familles ou d’exposer les personnes expulsées à des traitements inhumains. Les démarches de dénonciation de cette Convention sont en cours (l’article 58 de la Convention a été actionné en juillet 2026, le délai de préavis est désormais expiré).
Le cas des non-indigènes déjà français…
Pour finir, il restera à traiter le cas des personnes non indigènes qui avaient acquis la nationalité française avant la loi de 2022. Elles sont pour l’instant admises à demeurer sur le territoire, mais le gouvernement entend créer une condition légale : elles devraient s’acculturer et s’assimiler. Cela nécessitera certainement de remanier notre Déclaration des droits de l’homme (non-rétroactivité, libertés diverses, etc.). Ce chantier est trop complexe et sensible politiquement, à la veille de l’élection présidentielle d’avril 2027. Ce sera pour le prochain septennat (lequel a été rétabli, sans limitation du nombre de mandats).
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