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Est-ce « toujours les mêmes qui meurent et les mêmes qui tuent », comme l’affirme Éric Zemmour ?

Création : 9 octobre 2024

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relecteurs : Etienne Merle, journaliste

Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 30 septembre 2024

Un nouveau fait divers impliquant un suspect de nationalité étrangère a fait réagir Éric Zemmour, qui l’a immédiatement qualifié de “francocide”. Selon lui, “ce sont toujours les mêmes qui meurent et les mêmes qui les tuent”. Or, selon les données statistiques, il s’avère que la grande majorité des mis en cause pour homicide sont français.

C’est une petite musique qui revient régulièrement lorsqu’une personne de nationalité étrangère est impliquée dans une affaire d’homicide en France. Une partie de l’extrême droite utilise le fait divers pour dénoncer ce qu’elle désigne comme un “francocide”.

Récemment, c’est de cette manière qu’Éric Zemmour a qualifié la mort de Kylian, un adolescent de 17 ans poignardé en Normandie le 29 septembre dernier. Un suspect de nationalité algérienne a été placé en détention provisoire.

Sur Facebook et sur X, le polémiste a utilisé le hashtag #Francocide, et y ajoute : Ce sont toujours les mêmes qui meurent et les mêmes qui les tuent”.

Cette phrase est-elle vraie ? Peut-on considérer que toutes les victimes d’homicide, ou au moins une majorité, sont des Français et que les auteurs sont des étrangers ?

Pour répondre à ces questions, Les Surligneurs se sont plongés dans les données du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI). Selon ces chiffres du ministère de l’Intérieur pour l’année 2023 et 2024, les étrangers ne représentent qu’une minorité des mis en cause pour homicide.

Comparaison délicate

Pour comprendre les chiffres, il faut d’abord s’accorder sur les mots. D’abord, que met-on derrière le mot “étrangers” ? Un argument couramment employé dans les débats sur l’immigration consiste à comparer la part d’étrangers parmi les délinquants à celle des étrangers dans la population totale vivant en France. “Cette part-là est utilisée pour montrer une surreprésentation des actes commis par les populations de nationalité étrangère”, explique Valérie Icard, docteure en science politique et chercheuse associée au CESDIP (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales).

Par exemple, durant l’été 2024, selon le SSMSI, ce sont des personnes qui n’avaient pas la nationalité française qui ont été mises en cause dans 17 % des homicides. En 2023, la population étrangère représente 8,2 % de la population totale en France, selon l’Insee. Il serait donc facile d’en déduire une surreprésentation des homicides commis par les étrangers.

Or, cette comparaison est fragile. En effet, les définitions de population étrangère du ministère de l’Intérieur et de l’Insee ne sont pas les mêmes. “La définition de la population étrangère de l’Insee ne comprend que les personnes qui sont légalement sur le territoire. Alors que les chiffres du ministère de l’Intérieur incluent eux toutes les personnes, quel que soit leur statut administratif”, détaille Valérie Icard. Donc, les chiffres du ministère de l’Intérieur ayant un spectre plus large que ceux de l’Insee, une comparaison entre les deux s’avère compliquée.

En 2023, 83 % des mis en cause pour homicide sont français

Au-delà de la précision étymologique, regardons si, statistiquement, la population étrangère est majoritaire parmi les mis en cause pour les crimes d’homicide et de tentative d’homicide en France.

Selon les données les plus récentes du SSMSI, citées plus haut, il s’avère que 83 % – soit une très large majorité – des mis en cause pour homicide avaient la nationalité française sur la période de l’été 2024.

On retrouve des données équivalentes dans le bilan statistique “Insécurité et délinquance en 2023” du SSMSI. Aux pages 61 et 68, les tableaux du ministère de l’Intérieur indiquent que pour 2023, 83 % des personnes mises en cause pour homicide ont la nationalité française et que 17 % sont étrangers. Quant aux tentatives d’homicide, les nombres sont quasiment les mêmes. Le pourcentage est de 82 % pour les personnes françaises mises en cause et de 18 % pour les personnes étrangères. On est donc très loin d’une majorité d’auteurs d’homicide étrangers et donc a fortiori de la situation décrite par Éric Zemmour.

“Par contre, les étrangers sont surreprésentés en ce qui concerne les délits, donc des faits moins graves, du fait d’une précarité socio-économique”, développe la chercheuse.

Une tendance confirmée par la première photographie de l’insécurité et de la délinquance en 2023, où le ministère de l’Intérieur précise que “leur part est la plus élevée pour les atteintes aux biens et [qu’ils, ndlr] sont moins nombreux parmi les auteurs présumés d’atteintes à la personne”.

Selon Valérie Icard, la surreprésentation des étrangers pour les délits économiques s’explique par  leur plus grande chance de se faire attraper par les forces de l’ordre, comparée à une sous-exposition de Français. “Les personnes de nationalité étrangère sont surreprésentées dans les délits commis dans l’espace public. Ils sont très facilement appréhendables par la police. Quelqu’un qui commet un fait incestueux dans une maison sera moins visible des autorités que quelqu’un qui commet un vol à la tire dans le métro”, conclut la chercheuse.

Plus d’étrangers parmi les victimes

En résumé donc, les personnes de nationalité étrangère sont loin de représenter la majorité des auteurs d’homicide et de tentative d’homicide.

Mais qu’en est-il des victimes ? Est-ce que, comme Éric Zemmour le prétend, toutes les victimes d’homicide sont françaises ? Il s’avère que le polémiste a, encore une fois, plutôt faux.

“Les personnes étrangères sont surreprésentées parmi les victimes d’homicide : 20 %, compte tenu de leur part dans la population (environ 8 % – Insee, estimation de la population 2022)”, indique le bilan 2023 du ministère de l’Intérieur.

Malgré leurs efforts, les Surligneurs n’ont pas réussi à trouver d’autres chiffres. La comparaison reste donc fragile, comme expliqué plus tôt, mais ce sont les seuls chiffres qu’il a été possible de trouver.

Ainsi, selon les données récoltées par l’État, 78 % des victimes d’homicide avaient la nationalité française en 2023, et 79 % pour les victimes de tentatives d’homicide. Soit une part respective de 22 et 21 % de victimes de nationalité étrangère.

Nous sommes donc très loin d’une situation où toutes les victimes sont françaises et tous les auteurs sont des étrangers.

 

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