Éric Zemmour veut punir financièrement les parents des élèves harceleurs
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteurs : Audrey Darsonville, professeur de droit pénal, Université Paris Nanterre
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng et Emma Cacciamani
Source : BFMTV, 17 septembre 2023
Sanctionner les parents des élèves harceleurs reviendraient à punir des innocents pour le fait d’une autre personne, leur enfant. Les parents peuvent toutefois être condamnés pour avoir failli à leur obligation d’éducation.
Interrogé sur le harcèlement à l’école, Éric Zemmour propose de sanctionner financièrement les parents des élèves harceleurs. Si cela prend la forme d’une suppression des allocations familiales comme il l’a déjà proposé pour les enfants délinquants, c’est contraire à la Constitution.
En effet, avant de sanctionner ainsi les parents, il faudrait d’abord appréhender l’enfant harceleur et éventuellement le juger, puisque le harcèlement est un délit (article 222-33-2-2 du Code pénal). Une fois le harceleur condamné par la juridiction pour mineurs, il faudrait que les caisses d’allocations familiales ou tout autre organisme d’aide sociale soient avertis du jugement, afin que soient stoppées ou diminuées certaines allocations aux parents. Cela pose déjà un problème d’atteinte à la vie privée, d’autant plus que la condamnation pénale d’une personne mineure est anonyme pour préserver son droit à la réinsertion.
Une sanction collective contraire à la Constitution et à la loi
En droit pénal, une peine a uniquement pour vocation de sanctionner un comportement jugé répréhensible par la loi. Elle vise la seule personne reconnue coupable, pour ses actes, et n’a pas pour but de punir aussi les proches. Punir des familles entières – on imagine que le harceleur a des frères et sœurs – au seul motif qu’un des enfants a été condamné pénalement revient à punir des personnes pour des faits qu’elles n’ont pas commis, et donc à condamner des innocents. C’est contraire à l’un des principes fondamentaux du droit pénal, à savoir la responsabilité du seul fait personnel. Issu des articles 8 et 9, Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, ce principe se résume simplement : “nul n’est punissable que de son propre fait”. Le Code pénal le consacre également. Parce que les sanctions pénales visent un comportement personnel réprimé par la loi, elles ne peuvent être prononcées qu’à l’encontre de celui qui s’est rendu coupable de ce comportement.
Contraire à la logique actuelle des allocations
Les allocations familiales, comme bien d’autres aides sociales, sont fondées sur un principe de solidarité nationale, et n’ont pas vocation, en l’état actuel du droit, à être conditionnées au bon comportement des enfants. Elles reposent sur des critères légaux tels que la résidence en France et la garde effective de l’enfant : elles bénéficient à celui des parents qui en assume la charge effective et permanente, indépendamment du reste. Cela signifie à l’inverse que la condamnation d’un enfant harceleur à de l’emprisonnement ferme sans aucun aménagement, pourrait seulement justifier, à la limite, une diminution des allocations familiales le temps de l’exécution de la peine, puisque cet enfant ne serait plus sous la garde effective de ses parents.
Est-il possible d’infliger une amende aux parents d’un enfant harceleur ?
Bien que les parents soient solidairement responsables des dommages causés par leur enfant (article 1242 du Code civil), ils ne peuvent pas être les destinataires d’une amende pour les méfaits de leur enfant, toujours sur la base de la responsabilité du fait personnel. Pour autant, les parents peuvent être eux-mêmes condamnés pour avoir failli à leurs obligations d’éducation vis-à-vis de leur enfant (article 371-1 du Code civil et article 227-17 du Code pénal).
Contacté, Éric Zemmour n’a pas répondu aux Surligneurs.
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