Emmanuel Macron veut automatiser les obligations de quitter le territoire pour les déboutés de l’asile
Dernière modification : 24 juin 2022
Autrice : Lucia Donnelly, licence de droit-anglais, Université Paris-Saclay (UVSQ), membre de la Clinique juridique ”RefWar”,
Supervision : Thibaut Fleury Graff, Professeur de droit international à l’Université Paris-Saclay (UVSQ).
Relecture : Vincent Couronne, chercheur au centre de recherche VIP, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Héreng Loïc et Yeni Daimallah
En partenariat avec le Projet RefWar – Protection en France des exilés de guerre (ANR 2019-2023 – www.refwar.fr)
Source : Conférence de presse du 17 mars 2022 (1:19)
L’obligation de quitter le territoire est définie comme l’obligation pour un étranger de quitter le territoire français lorsque l’administration le lui demande. En revanche, cette obligation n’est pas automatique concernant les déboutés de l’asile, c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas réussi à obtenir une protection en France, et cette automatisation pourrait être compliquée à mettre en place.
Lors d’une conférence de presse donnée le 17 mars 2022, Emmanuel Macron, candidat à l’élection présidentielle de 2022, a annoncé que “le refus d’asile vaudra obligation de quitter le territoire”, plus connues sous le nom de “OQTF”, après un refus d’asile. Une promesse plus compliquée à mettre en œuvre qu’il n’y paraît.
L’obligation de quitter le territoire est définie comme l’obligation pour un étranger de quitter le territoire français lorsque l’administration le lui demande. En revanche, cette obligation n’est pas automatique concernant les déboutés de l’asile, c’est-à-dire les personnes qui n’ont pas réussi à obtenir une protection en France, et cette automatisation pourrait être compliquée à mettre en place. En effet, un étranger n’est pas nécessairement éloignable du territoire, même après que sa demande d’asile a été rejetée, puisqu’il peut parfois prétendre à un autre titre de séjour et peut aussi être sujet au principe de non-refoulement.
Qu’est-ce qu’un réfugié ?
La Convention de Genève de 1951, texte essentiel en droit de l’asile, définit le réfugié comme une personne “craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou ne veut en raison de cette crainte, se réclamer de la protection de ce pays“. Cette définition est complétée par la protection subsidiaire, innovation du droit européen, qui permet d’accorder une protection à toute personne craignant la peine de mort, la torture, les traitements inhumains ou dégradants ainsi qu’une menace grave et personnelle résultant d’un conflit armé. La demande d’asile est instruite par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Si la demande est rejetée, les demandeurs ont une possibilité de recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile. Mais ce refus ne rend pas nécessairement le demandeur d’asile éloignable.
Une fois déboutée de sa demande d’asile, une personne peut demander un autre titre de séjour
En effet, et tout d’abord, le demandeur peut prétendre à un autre titre de séjour que celui accordé par le statut de réfugié ou par la protection subsidiaire. Ainsi, comme le prévoit la loi, certaines personnes ne peuvent pas faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire, du fait de la particularité de leur situation. Ainsi, la vulnérabilité des mineurs étrangers interdit de les éloigner et les dispense de titre de séjour. Il en va de même pour une personne qui a des attaches familiales avec la France, tel l’étranger marié depuis au moins trois ans avec un(e) français(e). Un dernier exemple est celui des étrangers qui nécessitent une prise en charge médicale particulière : entre 4 000 et 5 000 par an bénéficient du droit de se maintenir en France du fait de leur état de santé.
Ce n’est pas la seule possibilité pour se maintenir sur le territoire. Les déboutés de l’asile peuvent aussi être protégés par le principe de non-refoulement. Ce principe est consacré dans la Convention de Genève de 1951. On le retrouve en outre dans d’autres conventions internationales, tel que l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 3 de la Convention contre la torture – auxquelles la France est partie. Ce principe interdit d’expulser un étranger vers un État où existeraient des risques pour sa vie ou ses libertés – par exemple parce qu’il risquerait d’être arrêté et torturé, ou parce qu’un conflit armé y sévirait.
Enfin, d’autres mécanismes juridiques empêchent l’automatisation des obligations de quitter le territoire français. C’est le cas notamment de la possibilité de réexamen de la demande d’asile en cas d’éléments nouveaux comme, par exemple, une augmentation de la violence dans l’État de nationalité du demandeur, du fait de la résurgence d’un conflit armé, comme cela a pu être le cas au cours des dernières années en Afghanistan par exemple. Quoiqu’il en soit il est toujours possible de contester une obligation de quitter le territoire devant les juridictions administratives, son exécution ne sera donc jamais automatique, car le juge peut très bien l’annuler si elle est illégale.
On le voit donc, au regard de ces différents éléments, automatiser les obligations de quitter le territoire sera particulièrement difficile à mettre en œuvre.
Contactée, l’équipe d’Emmanuel Macron n’a pas répondu à nos sollicitations.
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