Législatives 2024 : Emmanuel Macron rappelle que c’est bien le Président qui nomme le Premier ministre

Création : 27 juin 2024

Cet article est une republication mise à jour d’un article publié en 2022.

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris Saclay 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Grégoire Delcamp

Source : Conférence de presse d'Emmanuel Macron, 12 juin 2024 (1h47)

Le Président de la République peut en effet nommer qui il veut au poste de Premier ministre, quelle que soit la majorité à l’Assemblée. Mais si les députés majoritaires ne valident pas l’action du gouvernement et son chef, le blocage est garanti.

Le Président de la République a affirmé qu’il ne revient qu’à lui de nommer la personne qui va occuper le poste de Premier ministre. Il n’a pas tort, mais le gouvernement que nommera le Président au lendemain des élections législatives aura besoin du soutien de l’Assemblée Nationale pour mener la politique du pays qu’il souhaite. S’il n’obtient pas une majorité acquise à son camp, il faudra bien qu’il en tienne compte.

PARTONS DU B.A.-BA : LE GOUVERNEMENT GOUVERNE AVEC L’ASSEMBLÉE, CE QUI SUPPOSE UNE COMPATIBILITÉ POLITIQUE

Les élections législatives servent à élire les députés qui siègent à l’Assemblée Nationale. Le rôle de l’Assemblée est de contrôler l’action du gouvernement et de voter – ou non ! – les projets de loi que ce dernier lui soumet. La couleur politique de l’Assemblée doit donc être compatible avec celle du gouvernement si celui-ci entend mener à bien son projet pour la Nation. 

Lorsque le Président de la République n’obtient pas la majorité à l’Assemblée, il est de tradition qu’il nomme un Premier ministre issu de la majorité élue : c’est le phénomène de la cohabitation. Sous la Vème République, il y a eu deux cohabitations sous François Mitterrand (avec comme premiers ministres Jacques Chirac, 1986-1988, et Edouard Balladur, 1993-1995), et une sous Jacques Chirac (avec Lionel Jospin, 1997-2002). Chaque fois, le Président tirait les conséquences d’une majorité nouvelle à l’Assemblée, qui n’était pas de sa couleur politique. 

Mais il n’en est pas moins vrai qu’aucun texte n’oblige le Président à nommer un Premier ministre issu du camp majoritaire.

RISQUE DE BLOCAGE

Si le Nouveau Front Populaire ou le Rassemblement national remportaient la majorité des sièges à l’Assemblée Nationale, Emmanuel Macron pourrait très bien conserver un gouvernement issu de son propre camp. Mais ce gouvernement se heurterait inévitablement à une Assemblée hostile, qui rejettera tous les projets de loi qui lui seront soumis. Pour éviter ce blocage, le Président pourra toujours nommer un Premier ministre puis un gouvernement issu de son camp, mais qui s’engagerait à mener une politique de gauche ou d’extrême-droite… Encore faudra-t-il que l’Assemblée accepte lors de son traditionnel vote de confiance (qui n’a au demeurant aucune valeur juridique).

En revanche, si le gouvernement nommé maintient une politique “macronnienne”, il pourra tout de même mener son projet en recourant systématiquement à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution qui conduit à l’adoption de lois sans vote. Sauf que cela met en jeu la responsabilité du gouvernement. En réponse au déclenchement de l’article 49.3, les députés – un dixième d’entre eux – peuvent déposer une motion de censure (article 49 alinéa 2). Si elle est adoptée par la majorité des députés votants, le gouvernement est renversé et un nouveau gouvernement lui succédera, ce qui n’est encore jamais arrivé depuis 1958. En d’autres termes, une Assemblée dans laquelle le Nouveau Front Populaire ou le RN seraient majoritaires pourrait renverser le gouvernement.

Il est également possible pour le Président de la République de dissoudre l’Assemblée Nationale si l’action de son gouvernement est bloquée. Cela engendre de nouvelles élections législatives et une nouvelle majorité est susceptible d’émerger. Le risque est que cette majorité ne soit toujours pas compatible avec le projet du Président, voire y soit encore plus opposée. Le Président Chirac en a fait les frais lorsqu’il a dissous l’Assemblée en 1997, ce qui a conduit à une cohabitation avec Lionel Jospin. Et on rappellera que la dissolution est un fusil à un seul coup : en cas d’échec, le Président ne peut de nouveau dissoudre qu’un an après la précédente dissolution. Il ne pourra de toute façon pas dissoudre l’Assemblée avant une année, puisqu’il vient de le faire après les élections européennes.

Cet article a été écrit à l’aide de la base de données Pluralisme.fr qui recense les discours de plus de 1400 personnalités politiques et publiques françaises.

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