Les promesses d’Emmanuel Macron passées au crible
Dernière modification : 28 avril 2022
Auteur : Vincent Arnaud, juriste
Relecteur : Vincent Couronne, chercheur au centre de recherche VIP, Université Paris-Saclay
Relecteur : Alex Yousfi, juriste
Secrétariat de rédaction : Loïc Héreng
Source : Les surligneurs
Comme en 2017, Emmanuel Macron fait quelques promesses qui heurtent le droit, mais sur des sujets qui ne sont pas centraux dans le débat public
Malgré une campagne minimaliste et tardive, Emmanuel Macron n’a pas réussi à éviter le piège des promesses qui posent problème du point de vue du droit, voire sont soit juridiquement infaisables.
On s’en souvient, pour Emmanuel Macron qui s’exprimait en janvier à propos de ceux qui refusaient de se faire vacciner,« un irresponsable n’est plus un citoyen« . Or l’irresponsabilité n’est pas un critère légal de non-citoyenneté. On a bien une notion de “mauvais” citoyen qui peut conduire à une déchéance de nationalité comme par exemple pour les cas de terrorisme. Le Code pénal prévoit également une perte de ses droits civiques pour celui ou celle qui est condamné pénalement mais là encore le non-vacciné n’entre pas dans cette catégorie. Cette déclaration montre la conception qu’Emmanuel Macron se fait de la citoyenneté, tout comme lorsqu’il avait affirmé qu’un citoyen avait « des devoirs avant d’avoir des droits« .
Au-delà de ces petites phrases Emmanuel Macron aura également fait des propositions aux fondations juridiques douteuses.
Mettre un terme à la “quasi-gratuité” de l’enseignement supérieur public ?
Les étudiants vont devoir faire avec, malgré les difficultés financières qui ont été exacerbées avec les confinements successifs, Emmanuel Macron souhaite mettre fin à la « quasi-gratuité » de l’enseignement supérieur public. La gratuité de l’enseignement public selon la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, s’accommode de frais de scolarité « modiques » qui se calculent en tenant compte du montant de ces frais au regard du coût de la formation par étudiants, et des aides dont ces derniers peuvent bénéficier. Une marge d’augmentation existe, mais pas au point de pouvoir se caler sur les tarifs anglo-américains. Suivant le Préambule de la Constitution de 1946, qui est toujours en vigueur aujourd’hui, il est imposé à l’État « l’organisation de l’enseignement public gratuit« . Aussi, à moins d’une révision constitutionnelle il faudra trouver une autre voie pour la compétitivité internationale des universités françaises.
Supprimer la contribution à l’audiovisuel public et pérenniser son budget grâce à une loi pluriannuelle ?
La République en marche ! se fait décidément une drôle d’idée du financement public. Une loi de programmation pluriannuelle préserverait en effet l’indépendance de l’audiovisuel public. Selon le journal Le Monde, au sein de l’équipe de campagne du président, l’éventualité d’une loi de programmation pluriannuelle permettrait de pérenniser le budget de l’audiovisuel public et donc son indépendance. Cette loi s’inscrirait dans le contexte d’une promesse de suppression de la redevance en tant que taxe affectée à l’audiovisuel. Cependant une loi de programmation n’a qu’une portée symbolique, ces lois ne se bornent qu’à prévoir des budgets sur plusieurs années et juridiquement, elles ne permettent aucune dépense. Il faut pour cela une loi de finances annuelle, seule à permettre des dépenses. Donc rien de garanti pour le service public de l’audiovisuel.
Conscient des enjeux environnementaux, ou en tout cas de leur portée dans le débat électoral, Emmanuel Macron veut inscrire la protection de l’environnement et le droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La protection de l’environnement figure cependant déjà dans la Charte européenne. Peut être veut-il renforcer la protection de l’environnement en permettant son invocation devant les tribunaux nationaux mais il devra alors obtenir l’accord des 27 États membres pour modifier la Charte. Si ces propositions formulées lors de son discours au Parlement européen sur les objectifs de la présidence de la France au Conseil de l’Union européenne ne semblent pas poser de problème juridiquement, les enjeux procéduraux sont extrêmement lourds et nécessitent une unanimité des États.
Comment faire des promesses à peu de frais ? En promettant d’appliquer le droit, notamment européen. Pour un président garant du respect des traités, selon l’article 5 de la Constitution, c’est, au minimum, une promesse qui manque d’originalité.En effet le candidat Macron promet la « mise en œuvre d’une taxe carbone aux frontières de l’Europe« . Or la taxe carbone, dès lors qu’elle sera adoptée par le législateur européen, en tant que “loi” européenne, aura force obligatoire. La France n’aura pas d’autre choix que de la mettre en œuvre . Il est important de préciser tout de même que c’est sous l’impulsion de la France que cette taxe est sur le point d’être adoptée par l’Union européenne, Emmanuel Macron en fait la promotion.
Automatiser l’obligation de quitter le territoire pour tout débouté du droit d’asile ?
Et puisqu’on parle de frontières, Emmanuel Macron souhaite également automatiser les obligations de quitter le territoire après un rejet de demande d’asile, qui permet d’obtenir le statut de réfugié. Le problème ici, c’est qu’un étranger n’est pas nécessairement éloignable du territoire même après que sa demande d’asile a été rejetée. Il peut en effet prétendre parfois à un autre titre de séjour ou encore bénéficier du principe de non-refoulement.
Comme en 2017, Emmanuel Macron ne fait pas de promesses radicalement contraires au droit, et propose même parfois ce qui existe déjà. Une caractéristique d’un programme plutôt centriste, entre social-démocratie et démocratie libérale, deux tendances qui s’accommodent très bien de la Constitution de la Cinquième République et de l’Union européenne. Quant à en faire une appréciation politique, là n’est pas notre rôle.
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