Emmanuel Macron déplore le “dévoiement de ce qu’est le droit d’asile”, avec des personnes “qui viennent de pays qui ne sont pas en guerre »
Dernière modification : 21 juin 2022
Autrice : Tania Racho, docteure en droit public, Université Paris II Panthéon-Assas
Source : Conférence de presse conjointe sur la réponse européenne à la menace terroriste, 10 novembre 2020
En répondant à la question d’une journaliste sur la politique française d’ouverture des frontières, le Président Emmanuel Macron offre une réponse confuse et contraire à la définition juridique du droit d’asile. Notamment, il estime à tort que l’asile est réservé aux opposants politiques fuyant un pays en guerre.
Lors d’une conférence de presse conjointe sur la réponse européenne à la menace terroriste du 10 novembre 2020, le président Emmanuel Macron et le chancelier autrichien Sébastien Kurz ont énoncé leur volonté de réformer l’espace Schengen afin de pouvoir davantage lutter contre le terrorisme. Tout en rappelant qu’il ne “faut en rien confondre la lutte contre l’immigration clandestine et le terrorisme”, le président Emmanuel Macron s’est tout même mépris sur le droit d’asile en répondant à une journaliste sur la politique d’ouverture des frontières françaises.
Ainsi, lorsqu’il déplore un “dévoiement du droit d’asile” qui aurait été créé pour les seuls “combattants de la paix”, il commet une première erreur car il y a en réalité deux catégories de réfugiés :
- les réfugiés “constitutionnels”, c’est-à-dire des combattants de la liberté, protégés par la France en vertu de notre Constitution
- les réfugiés “conventionnels”, qui obtiennent l’asile par application de la Convention de Genève de 1951. Ces réfugiés sont reconnus comme tels parce qu’ils ont été persécutés en tant qu’ils sont des opposants politiques, en raison de leur religion, de leur ethnie ou de leur appartenance à un groupe social (par exemple du fait de leur orientation sexuelle ou encore parce qu’ayant subi un mariage forcé).
En réservant l’asile aux seuls “combattants de la paix” comme il les désigne, le président Macron passe sous silence toute la catégorie de personnes pouvant bénéficier la convention de Genève, que la France a ratifiée.
Emmanuel Macron s’étonne également de voir arriver des personnes provenant de pays qui ne sont pas en guerre. Il se trompe à nouveau car la provenance d’un pays en guerre n’est pas une condition pour être reconnu comme réfugié.
Toutefois, il existe une protection spéciale pour les personnes provenant de zones de guerre, appelée “protection subsidiaire”. Celle-ci a entraîné la reconnaissance quasi-systématique d’une protection des civils Syriens et Afghans ayant fui leur pays.
Dernière confusion du président : lorsqu’il affirme que “des centaines de milliers de visas” ont été délivrés chaque année, il s’agit de visas délivrés dans le pays d’origine de l’étranger. Cela n’a aucun lien avec l’asile ou la protection subsidiaire qui sont des titres de séjour et dont une des conditions de délivrance est d’avoir fui son pays.
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