Crédits photo : Foundations World Economic Forum (CC 2.0)

Emmanuel Macron a dit souhaiter une meilleure répartition des étrangers dans les “espaces ruraux qui, eux, sont en train de perdre de la population”

Création : 14 octobre 2022
Dernière modification : 5 juin 2023

Autrice : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse associée à l’IEDP, Université Paris-Saclay

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani

Source : Libération, 21 septembre 2022

Lapsus ? Le président semblait viser en réalité les seuls demandeurs d’asile. Répartir “les étrangers” en général relèverait d’une toute autre ambition, et pourrait heurter certaines libertés fondamentales. De façon générale d’ailleurs, le vocabulaire utilisé à ce propos est très fantaisiste, ce qu’on a vu très récemment encore.

La proposition de répartition des “étrangers” doit être concrétisée dans le projet de loi sur l’immigration qui sera présenté début janvier 2023. En attendant, il faut revenir sur cette suggestion floue et déjà en place.

S’agissant du logement, ne pas confondre “étranger” et “demandeur d’asile”

La répartition ne concerne, actuellement, que les demandeurs d’asile et non les “étrangers” de façon générale. Répartir des personnes sur un territoire implique de les loger, que ce soit par des organismes publics ou par des hébergeurs privés subventionnés à cette fin. Seuls les demandeurs d’asile sont inclus dans un dispositif de logement dans l’attente de leur entretien pour déterminer s’ils obtiendront ensuite le statut de réfugié ou non. 

Cette répartition des demandeurs d’asile a été pensée dès 2018 et mise en œuvre en décembre 2020 avec le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés”,  pour la période 2021-2023 (précisé en 2022). Elle concerne essentiellement les demandeurs d’asile qui arrivent en Ile-de-France : il est prévu que 2500 d’entre eux soient réorientés vers d’autres régions chaque mois. 

En somme, on peut s’interroger sur ce que propose le Président (qui n’a pas répondu à nos sollicitations). Répartir l’ensemble des étrangers, dans une perspective de déghettoïsation de certaines banlieues de grandes villes, relève d’une politique très ambitieuse au regard du nombre de personnes concernées, et surtout au regard des libertés fondamentales, dont bénéficie toute personne résidant en France. Il faudra aussi revoir la répartition des offres d’emploi sur le territoire. Pour toutes ces raisons, on peut croire à un lapsus du Président, qui visait en réalité les seuls demandeurs d’asile. II est probable que le projet de loi ne prévoit qu’une accélération de leur répartition et une augmentation du nombre de places d’hébergement en France (50 000 en 2022)

Un vocabulaire très approximatif 

De façon générale, on entend tout et n’importe quoi : à Saint-Brévin-les-Pins, le 13 octobre, a été créé un centre d’hébergement pour “demandeurs d’asile”,  comme l’a bien souligné Ouest-France, et les opposants parlent demigrants, notion inexistante en droit français, tandis que les défenseurs emploient le motréfugiés, ce qui est aussi faux, puisque précisément les intéressés sont hébergés en attendant que leur soit accordée – ou non – la qualité de “réfugié”. En droit, chaque mot compte, et a un sens précis, dont il résulte un régime juridique tout aussi précis. À l’heure actuelle, les textes ne prévoient d’hébergement et de répartition que pour les demandeurs d’asile.


Cet article a été rédigé dans le cadre d’un événement organisé le jeudi 13 octobre, avec le soutien de l’OTAN, pour former les lecteurs des Surligneurs à la lutte contre la désinformation dans le domaine du droit. 

L’activité proposée était un événement en ligne d’une journée sous la forme d’un “legalthon” consacré à l’État de droit. RESILEX visait à rassembler des chercheurs en droit, des étudiants, des personnes d’influence, des journalistes et le grand public afin d’améliorer la résilience de la société dans le domaine de l’État de droit et de la démocratie. Les participants ont surveillé l’actualité et ont repéré les informations erronées ou les approximations juridiques présentes dans les propos des personnalités publiques. 

Les articles ont été rédigés et publiés en toute indépendance par les Surligneurs, selon la méthode utilisée pour tous les articles de legal-checking publiés sur le site. 

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Le 5 juin 2023, l’’explication de cet évènement a été modifiée dans le cadre de la mise en conformité des Surligneurs avec l’article 3.1.C du Code européen de fact-checking.

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