Elisabeth Borne officialise la création de l' »homicide routier »
Cet article est une adaptation d’un ancien article
Auteur : Yoann Lamotte, master de droit public et études parlementaires, Aix-Marseille Université
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteurs : Jean-Baptiste Thierry, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université de Lorraine
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Guillaume Baticle, master de droit public, Université de Picardie Jules Verne
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Secrétariat de rédaction : Yeni Daimallah et Loïc Héreng
Source : Public Sénat, 17 juillet 2023
L’annonce d’Elisabeth Borne, qui fait suite au Comité interministériel de la sécurité routière, semble avant tout symbolique : requalifier l’homicide involontaire sous l’emprise de stupéfiants ou de l’alcool en “homicide routier”, pour mieux prendre en compte certaines réalités et le vécu des victimes, sans alourdir les peines encourues. Mais attention aux incohérences qui peuvent en résulter à l’égard d’autres victimes des stupéfiants et de l’alcool.
La Première ministre a annoncé la création du délit d’“homicide routier”, en remplacement de l’homicide involontaire commis à l’occasion d’un accident de la route. A l’instar de l’annonce faite par Gérald Darmanin en février dernier, ce délit concernera les accidents sous l’emprise de stupéfiants ou de l’alcool. A l’époque en pleine affaire Pierre Palmade placé en détention provisoire pour homicide involontaire, le Ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin avait annoncé diverses mesures afin de renforcer la sécurité routière, dont la création d’une infraction “d’homicide routier”.
Cette annonce très floue pourrait n’avoir qu’une portée symbolique, c’est-à-dire qu’elle n’aurait pas pour effet d’alourdir les peines déjà encourues pour homicide involontaire. L’objectif du Gouvernement pourrait simplement consister à écarter l’expression “homicide involontaire”, vécue comme une souffrance pour les familles des victimes, au profit d’une expression plus stigmatisante ou proche de certaines réalités vécues.
Le Gouvernement n’a pas encore déposé de projet de loi relatif à l’annonce faite par le Ministre de l’Intérieur. N’ayant pas ajouté plus de précisions, on peut supposer que Gérald Darmanin a entendu reprendre une proposition de loi déposée par le groupe LIOT en novembre 2022. Celle-ci prévoyait la création d’une infraction autonome appelée ”homicide routier”.
Une modification symbolique de la loi ?
En réalité, il s’agit de renommer le délit existant d’“homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur“ en “homicide routier“. Cette modification de la loi serait seulement sémantique et ne modifierait pas les peines applicables à ce délit.
Selon le Code pénal, un homicide involontaire commis par le conducteur d’un véhicule est passible de cinq ans d’emprisonnement. Selon les circonstances aggravantes, et notamment la prise de drogues ou la consommation excessive d’alcool, la peine maximale peut être portée à sept ou dix ans d’emprisonnement. Dans le cas de l’accident causé par Pierre Palmade, la peine maximale encourue est donc bien de sept ans d’emprisonnement en raison de sa conduite sous l’emprise de stupéfiants.
L’ “homicide routier” ne serait pas totalement “involontaire”
Cette modification sémantique répond à une demande des associations. Le président de la Fédération nationale des victimes de la route (FNVR), estime que “pour les victimes, le terme “involontaire” est inaudible. Lorsque vous consommez des stupéfiants et prenez votre voiture en toute connaissance de cause, on considère que c’est un acte délibéré“.
Néanmoins, contrairement à la proposition de loi du groupe LIOT, Elisabeth Borne a annoncé que seuls les accidents de la route ayant été commis sous l’emprise de la drogue ou de l’alcool seraient qualifiés d’homicide routier. Par exemple, un accident mortel dû à un excès de vitesse supérieur à 50 km/h serait toujours qualifié d’”homicide involontaire”, tandis que le délit d’”homicide routier” remplacerait celui d’homicide involontaire sous l’emprise de stupéfiants ou de l’alcool, avec la même peine, à savoir jusqu’à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.
Risque d’incohérences
Une telle réforme, bien que n’alourdissant aucune peine, satisferait certaines victimes moralement. Mais elle créerait de nouvelles frustrations. Pourquoi le mot “involontaire“ serait-il plus supportable pour les victimes d’accidents ayant eu lieu en raison d’un grand excès de vitesse, que pour les victimes d’une consommation d’alcool ou de stupéfiants ? La même considération ne doit-elle pas être portée aux personnes victimes de celui ou celle qui pilote un jet ski, un bateau, un avion de tourisme, voire une tondeuse à gazon ou un engin de chantier, sous l’emprise de l’alcool ou de stupéfiants ? Et dans ce cas, n’est-ce pas toute la législation pénale sur la consommation d’alcool et de stupéfiants qu’il faudrait repenser ?
Contactés, les services de la Première ministre n’ont pas répondu à nos sollicitations.
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