Elisabeth Borne : en augmentant le SMIC au 1er mai, le “pouvoir d’achat reste notre priorité”
Dernière modification : 24 juin 2022
Auteur : Pascal Caillaud, chargé de recherche CNRS, Laboratoire Droit et Changement social, Nantes Université
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani
Source : Compte Twitter d’Elisabeth Borne, 30 avril 2022
Contrairement à ce que laisse entendre Elisabeth Borne, le gouvernement n’a fait qu’appliquer des augmentations automatiques imposées par des textes antérieurs à 2017, sans qu’on puisse déceler le moindre “coup de pouce”, qui aurait consisté à aller bien au-delà de ce que prévoient ces textes.
Dans un tweet du 30 avril, Elisabeth Borne, ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, écrivait : “dès demain, le SMIC passe à 1302,64 € net/mois, soit une augmentation de 72€ en 1 an pour tenir compte de l’inflation. Au total, avec la prime d’activité, un salarié au SMIC à temps plein touche + de 1450 € net/mois. La protection du pouvoir d’achat reste notre priorité”. Or, ces augmentations sont automatiques, liées à l’augmentation des prix.
À en croire la ministre du travail, les augmentations du SMIC et de la prime d’activité traduisent une politique volontariste du gouvernement en matière de protection du pouvoir d’achat. Or, le gouvernement n’a fait qu’appliquer des textes bien antérieurs à 2017 auxquels il ne peut se soustraire qu’en les modifiant.
Le SMIC : un salaire minimum soumis à des revalorisations automatiques, imposées par le Code du travail depuis 1970…
Créé sous le nom de SMIG en 1950, devenu SMIC en 1970, le salaire minimum interprofessionnel de croissance est une rémunération minimum, s’imposant à tout employeur, et dont le non-respect est puni d’une amende de 1 500 euros, l’amende étant appliquée autant de fois qu’il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales.
Selon le Code du travail, le SMIC est automatiquement revalorisé selon l’évolution de l’indice mensuel des prix à la consommation, calculé chaque mois par l’Insee (et publié au Journal Officiel). Ainsi, chaque année, au 1er janvier, une augmentation du SMIC tient compte de l’évolution annuelle de cet indice. De plus, lorsque, en cours d’année, cet indice des prix à la consommation subit une hausse d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté au 1er janvier de l’année, un arrêté doit relever le SMIC dans la même proportion le mois suivant.
Du fait de l’inflation des prix, ces derniers mois, ces dispositions ont donc contraint le gouvernement à augmenter le SMIC à quatre reprises depuis le 1er janvier 2020.
Il s’agit donc d’augmentations légales et automatiques liées à l’inflation. Le gouvernement avait toute liberté pour décider d’une revalorisation supplémentaire du SMIC allant au-delà de ce qu’exige la loi. C’est ce qu’on appelle dans le langage courant le “coup de pouce”. Or, le dernier coup de pouce en faveur du SMIC a eu lieu… le 1er juillet 2012 et pas le 1er mai 2022. Dans le cas des augmentations qu’évoque Elisabeth Borne, seuls les mécanismes automatiques liés à l’augmentation des prix, auxquels le gouvernement doit obligatoirement se conformer, ont été appliqués.
La prime d’activité : une prestation sociale également revalorisée automatiquement depuis 2016
Créée sous le quinquennat Hollande par “la loi Rebsamen” en août 2015, la prime d’activité est une prestation sociale fusionnant depuis le 1er janvier 2016, le RSA activité et la prime pour l’emploi. Elle vise à soutenir l’activité et le pouvoir d’achat des travailleurs modestes (salariés, fonctionnaires, indépendants, stagiaires, apprentis…).
Or, le Code de la sécurité sociale prévoit que le montant de la prime d’activité est revalorisé le 1er avril de chaque année, en fonction de l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, publiée par l’INSEE. C’est ainsi que le montant de base du calcul de la prime d’activité a bien été augmenté de 1,8 %, au 1er avril 2022, pour passer de 553,71 euros à 563,68 euros par mois.
Ainsi, pour un salarié à temps plein, vivant seul et sans enfant, touchant le SMIC (1 302,64 euros nets) et une aide au logement (69,06 euros dans cette hypothèse), la prime d’activité est d’environ 151 euros par mois. Là encore, aucun “coup de pouce”, mais la simple application contrainte d’une loi antérieure.
Contactée, Elisabeth Borne n’a pas répondu à nos sollicitations.
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