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Dossier : À Gaza, l’impuissance du droit, l’impunité des acteurs

Un jeune Palestinien se tient au milieu des décombres de l'école Yaffa, dans le quartier de Tuffah, à Gaza, après les frappes israéliennes nocturnes du 30 juin 2025, alors que le conflit entre Israël et le Hamas se poursuit. (Photo d'Omar AL-QATTAA / AFP)
Création : 2 juillet 2025

La rédaction des Surligneurs 

Éditorial : Nicolas Turcev, journaliste

Gaza, enclave dévastée et symbole du droit international en péril. Plus de 600 jours après le début du conflit, la justice internationale reste impuissante face aux atrocités largement documentées et malgré des décisions appelant à la protection de la population civile. Une impuissance due à l’inaction politique, selon l’ancienne présidente de la Cour internationale de Justice. D’où la nécessité de revisiter ce droit bafoué, porteur d’un possible sursaut.

« En violation du droit ». Comme une rengaine, cette expression accompagne depuis bientôt deux ans les images d’horreur en provenance de la bande de Gaza, pilonnée sans relâche par Israël au prix de dizaines de milliers de vies. Dernière de ces éventuelles violations en date : depuis fin mai, des tirs israéliens prennent pour cible des civils palestiniens venus se ravitailler dans des centres de distribution. Ceux qui ne reviennent pas de ces « pièges mortels » se comptent par centaines. À l’unisson, les ONG humanitaires ont condamné l’utilisation de ces sites à des fins militaires, dénonçant une atteinte au droit international. Une de plus.

Mais les remontrances juridiques contre Israël ont beau s’accumuler jusqu’à tutoyer les sommets, aucune n’a suffi jusqu’ici à faire taire les armes. Même lorsqu’elles débouchent sur des décisions de justice. Déjà en avril 2024, la présidente de la Cour internationale de Justice (CIJ), Joan Donoghue — celle-là même qui avait ordonné à Israël de prévenir le risque de génocide – dressait sur la BBC un constat d’impuissance : en l’absence du soutien des États, l’injonction de la CIJ a produit peu d’effets. Pas plus, constatent les ONG, que les mesures conservatoires qui l’ont suivie.

Comme les promesses, les traités et les conventions internationales n’engagent souvent que ceux qui y croient. Et la France a manqué de conviction. Contrainte par le Statut de Rome, elle n’a pas réagi au survol de son territoire, au printemps dernier, par l’avion du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, pourtant sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza. Une broutille. Le Quai d’Orsay a couvert son inaction d’un vernis juridique, prétextant une immunité du leader israélien, puis l’information est vite sortie des radars médiatiques comme politiques. Faut-il désormais ouvrir l’espace aérien français à Vladimir Poutine, également visé par un mandat de la CPI ?

Autrement dit, même si, sur le papier, le droit a montré qu’il peut fournir une protection, la realpolitik continue de l’emporter au Proche-Orient. Il faut reconnaître que le ver était dans le fruit. L’occupation des territoires palestiniens depuis 1967, comme le blocus de Gaza depuis 2007, ont été jugés illégaux par la CIJ en 2024 — sans grande surprise. Mais sur le terrain, rien n’a changé. Pire : au 30 mai 2025, 100 % de la population de l’enclave était menacée de famine, selon l’ONU. Tant qu’Israël s’obstinera à refuser d’appliquer le droit humanitaire le plus élémentaire — dont on peut difficilement imaginer qu’il soit satisfait par des distributions chaotiques organisées sur des sites militaires — le sort des gazaouis continuera d’empirer. Jusqu’à quel degré de déchéance ?

Chaque palier franchi dans l’horreur à Gaza rappelle cruellement que les mécanismes de protection prévus par le droit international restent lettre morte — et que cette inaction a des auteurs. Face à cette faillite générale, il est urgent de diffuser le droit et d’outiller les esprits, pour réaffirmer collectivement la force des principes universels là où ils sont niés. C’est l’ambition de ce dossier.

 

Gaza : peut-on qualifier les faits perpétrés par Israël de génocide ?

Des Palestiniens prient devant les corps de personnes tuées lors d’une frappe aérienne israélienne, le 20 mai 2025. (Photo : Omar Al-Qattaa / AFP)

 

Alors que l’offensive militaire israélienne à Gaza s’intensifie, la question de la qualification juridique des faits perpétrés par l’armée israélienne refait surface. Certains élus ou spécialistes évoquent un possible génocide. D’autres estiment qu’il est encore trop tôt pour porter de telles accusations. Alors, que dit le droit ?


Gaza : le blocus israélien est-il illégal ?

Des enfants palestiniens attendent de la nourriture à un point de distribution à Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, le 11 juin 2025. (Photo : Eyad Baba / AFP)

 

Le blocus de la bande de Gaza fait l’objet de controverses juridiques majeures. Tandis que certains en nient l’existence, d’autres en contestent la légalité. Pourtant, le droit international encadre strictement les conditions d’un blocus et plusieurs instances juridiques se sont déjà prononcées sur celui imposé à Gaza.


Survol de la France par Benjamin Netanyahou : aurait-on dû arrêter le premier ministre israélien ?

Donald Trump et Benjamin Netanyahou, le 7 avril 2025, après que le premier ministre israélien ait survolé le territoire français. Photo by SAUL LOEB / AFP

 

Le survol de la France par un avion transportant Benjamin Netanyahou, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale, soulève une tempête politico-juridique. Alors que la France est tenue de coopérer avec la CPI, l’autorisation éventuelle de ce vol interroge sur un possible manquement à ses obligations internationales. Une affaire à la croisée du droit international et des équilibres diplomatiques.


Dockers et refus de charger des armes vers Israël : acte militant ou faute professionnelle ?

Cargo à Fos-sur-mer en mars 2025. CLEMENT MAHOUDEAU / AFP

 

Le refus des dockers de Fos-sur-Mer de charger un conteneur d’équipements militaires à destination d’Israël relance les questions juridiques autour du droit d’agir au nom de ses convictions. Sans appel officiel à la grève, leur geste soulève deux enjeux : l’ordre de charger ce matériel était-il légal, et les dockers pouvaient-ils s’y opposer sans risquer une sanction ?


La « Côte d’Azur » de Trump pour Gaza violerait le droit international

Le président états-unien, Donald Trump et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, le 4 février 2025. (Jim WATSON / AFP)

 

Multipliant les décrets et projets qui font réagir, Donald Trump s’attaque cette fois à la bande de Gaza, qu’il veut vider de ses habitants et occuper pour en faire la « Côte d’Azur » du Moyen-Orient. Une proposition qui interroge au regard du droit international. Le 47ᵉ Président des États-Unis va-t-il se placer dans l’illégalité ?


Un maire a-t-il le droit d’interdire des drapeaux palestiniens dans la rue ?

Un drapeau palestinien / sue_r_b/Freeimages.com

 

À Chalon-sur-Saône, le maire, Gilles Platret, a pris un arrêté, le 2 juin dernier, afin d’interdire l’usage de drapeaux palestiniens après des débordements liés à la victoire du PSG. Une décision contestée, dont la légalité interroge au regard de la liberté d’expression.