Destitution du Président de la République : la proposition de LFI a-t-elle une chance d’aboutir ?
Dernière modification : 21 août 2024
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
La destitution du Président de la République est possible, si la proposition de La France Insoumise emporte un large consensus chez les députés et les sénateurs, ce qui rend l’entreprise difficile.
Presque un mois depuis la démission du gouvernement de Gabriel Attal sans qu’aucun nouveau gouvernement n’ait été nommé par Emmanuel Macron. C’en est trop pour La France Insoumise (LFI) qui annonce engager une procédure de destitution à l’encontre du Président de la République. Comment fait-on pour destituer un Président ?
Une procédure qui requiert un large consensus
La destitution du Président de la République est prévue à l’article 68 de la Constitution et intervient si le Président commet un « manquement à ses devoirs manifestement incompatibles avec l’exercice de son mandat ». Cela peut concerner un comportement politique ou privé, qui entacherait la dignité de la fonction du chef de l’État.
Une loi organique précise la mise en œuvre de l’article 68 : un dixième des membres de l’Assemblée nationale (soit 57 députés) ou un dixième des membres du Sénat (soit 35 sénateurs) déposent une proposition de réunion du Parlement en Haute Cour devant leurs chambres respectives. Si cette chambre adopte la proposition à la majorité des deux tiers, c’est à l’autre chambre du Parlement de se prononcer. Si l’autre chambre n’adopte pas la proposition, la procédure s’arrête. Mais si elle l’adopte aussi aux deux tiers, le Parlement se réunit en Haute Cour. Autant dire que la proposition doit faire consensus aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat.
Une fois réuni en Haute Cour, le Parlement doit adopter, encore à la majorité des deux tiers, la destitution du chef de l’État. Il faut noter que cette sanction est purement politique et non pénale, le Président de la République jouissant d’une immunité pénale et administrative durant son mandat.
Du fait de son irresponsabilité pénale, le Président ne peut être poursuivi judiciairement après la fin de son mandat pour des faits commis pendant ses fonctions. Seule réserve, il peut être poursuivi si ces actes relèvent de la compétence de la Cour pénale internationale (génocide, crime contre l’humanité ou crime de guerre).
Des tentatives jamais abouties
Ce ne sera pas la première fois que l’article 68 sera mis en œuvre. En 2001, une pétition d’élus de gauche avait été déposée pour demander la destitution du Président de la République Jacques Chirac. En 2016, c’était au tour de la droite de déposer une proposition pour destituer le Président François Hollande, accusé de violation du secret de la défense nationale dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
À ne pas confondre avec la Cour de Justice de la République
Le Parlement réuni en Haute Cour ne doit pas être confondu avec la Cour de Justice de la République, une juridiction spéciale qui juge les membres du Gouvernement pour des faits commis dans le cadre de leurs fonctions, comme ce fut le cas pour Eric Dupond-Moretti, Garde des Sceaux, en fin d’année 2023.
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