Des médecins de Loire-Atlantique refusent de payer leur cotisation à l’ordre des médecins car ils en désapprouvent la gestion
Dernière modification : 6 octobre 2022
Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Loïc Héreng
Source : Ouest-France, 22 septembre 2022
Depuis des décennies le juge donne raison à l’ordre contre les médecins qui refusent de payer leur cotisation en prétendant être en désaccord avec l’ordre. Ils seront donc condamnés. Mais l’ordre est élu : ils peuvent aussi voter…
Six médecins de Loire-Atlantique contestent leur obligation d’acquitter leur cotisation à l’ordre, de 335 euros par an. Motif, rapporté par Ouest-France : “Ce n’était pas possible de donner nos sous à cet organisme qui ne remplit pas ses missions de service public, qui a un fonctionnement opaque. Il prend aussi des positions politiques avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord”. Ils sont pour cette raison poursuivis par l’ordre même, devant le tribunal judiciaire, dont on attend l’audience au 15 novembre. Sauf en cas d’élément d’information que nous n’aurions pas, ils vont perdre…
Ils ne sont pas les premiers à refuser de payer…
Bien des médecins et autres professionnels de santé de France sont mécontents de leur ordre, et pour autant ils ne peuvent éluder le paiement de leur cotisation. L’ordre des médecins (comme celui des chirurgiens-dentistes ou des pharmaciens) est un organisme privé, chargé par la loi d’une mission de service public : il fait la police de la profession en autorisant l’exercice médical (c’est l’inscription à l’ordre, ou le refus d’inscription). Il fait respecter le code de déontologie. Aussi, et surtout, il représente de la profession auprès des pouvoirs publics, ce qui l’amène à produire des avis sur les grandes réformes envisagées, qui concernent directement ou indirectement la profession. L’ordre propose également des réformes du code de déontologie et guide les médecins au quotidien dans leurs démarches.
Le financement de ces missions est assuré par les cotisations obligatoires. Que des médecins soient en désaccord avec la ligne adoptée par l’ordre face aux pouvoirs publics au sujet de grandes réformes ne les exonère en rien de cette cotisation, qu’on peut d’ailleurs comparer à l’impôt : on ne peut pas refuser de payer ses impôts au motif qu’on est mécontent de la manière dont l’argent public est dépensé. Si la cotisation à l’ordre n’est pas juridiquement un impôt, elle finance un service public obligatoire et doit être acquittée. Peu importe aussi que la Cour des comptes ait dressé un réquisitoire sévère contre la gestion de l’ordre, en 2019. La même Cour des comptes éreinte aussi bien d’autres services publics sans que cela ne dispense d’en assurer le financement par l’impôt ou des cotisations.
…et ils ne seront pas les premiers condamnés à payer
Depuis très longtemps des médecins tentent d’autres moyens d’éluder le paiement de la cotisation, notamment en invoquant leur liberté d’association et d’opinion : l’adhésion obligatoire à l’ordre (avec cotisation) les obligerait à adhérer à la “ligne politique” de cet ordre. Or, pour le juge, la liberté d’association, pas plus que la liberté d’opinion ne sont entravées dès lors que “chaque médecin conserve, par ailleurs, la possibilité de créer des associations professionnelles ou d’y adhérer”. Et nos six Loirains (ou Mariligériens ?) peuvent toujours pousser le contentieux jusque devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui depuis 1981 a clos le débat de la même manière, renvoyant les médecins à leur liberté de créer leurs propres associations.
Autres moyens d’agir ?
Seule la loi peut supprimer la cotisation à l’ordre, voire supprimer l’ordre. En attendant, on rappellera que l’ordre est une institution élue. Comme pour toute démocratie, il appartient donc aux électeurs (tous les médecins) de se mobiliser, voire de se présenter aux élections ordinales, en somme s’investir. C‘est certes moins facile. Enfin, rappelons aussi que si l’ordre prend une décision illégale (y compris des sanctions qui seraient infondées), elle peut être annulée (ou “cassée” pour les sanctions) par le juge administratif.
Contacté, l’ordre des médecins n’a pas répondu à nos sollicitations.
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