Des crédits destinés à l’achat de deux canadairs ont bien été annulés sous le gouvernement Attal
Auteur : Nicolas Turcev, journaliste
Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W
Source : Compte X de Renaissance, le 10 juillet 2025
Contrairement à ce qu’affirme le parti Renaissance sur son compte X, les coupes dans le budget de la sécurité civile par le gouvernement Attal, en février 2024, ont effectivement conduit à l’annulation de la commande de deux canadairs par la France.
Plutôt que d’éteindre l’incendie, Renaissance a remis de l’huile sur le feu. Sur X, le parti de centre-droit a voulu, le 10 juillet 2025, rectifier la députée socialiste Sophie Pantel qui assurait que les coupes budgétaires prises en 2024 par le gouvernement Attal avaient conduit la France à renoncer à l’achat de deux canadairs. Des propos qualifiés d’« indignes » par la formation politique, pour qui cette « polémique […] manque de respect aux sinistrés et à l’engagement exemplaire de nos forces de sécurité civile ».
Seul hic : les déclarations de Sophie Pantel sont factuellement exactes, comme l’ont déjà vérifié nos confrères de TF1. La députée est coautrice, avec son collègue insoumis Damien Maudet, d’un rapport d’information sur la flotte d’appareils de la sécurité civile, communiqué à la commission des finances le 2 juillet 2025. Un document qui tombe à pic, alors que la France connaît des vagues de chaleur inédites qui testent la capacité du pays à faire face aux incendies.
Le rapport indique que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) a renoncé, au moins temporairement, à l’achat de deux bombardiers à la suite du décret du 21 février 2024, qui a supprimé 52,8 millions d’euros du budget de la sécurité civile. Signé par Gabriel Attal, alors Premier ministre, ce texte visait à faire 10 milliards d’euros d’économies en sabrant dans la dépense publique.
Ce n’est pas la première fois qu’un lien est établi entre les coupes budgétaires et l’annulation des commandes de canadairs. Déjà en novembre 2024, la sénatrice Françoise Dumont (LR) indiquait, dans un avis portant sur le volet sécurité civile du projet de loi de finances 2025, que le décret d’annulation pris par Gabriel Attal « a contraint la DGSCGC à renoncer à la perspective de commande de deux canadairs, […] alors que le calendrier initial prévoyait l’acquisition, pour l’année 2024, de quatre canadairs ». Jointe par Les Surligneurs, la DGSCGC confirme ce scénario.
Seuls deux avions, financés par le programme européen RescUE, ont fait l’objet d’une contractualisation avec un constructeur canadien en 2024. Ces avions pourront être mobilisés pour contenir des incendies en France, mais aussi sur tout le territoire de l’Union. Leur livraison était attendue en 2027, mais ils seront finalement disponibles courant 2028, indique la DGSCGC.
Changement de trajectoire
Trop peu, trop tard, selon Sophie Pantel, qui égraine dans ce document les renoncements en cascade du gouvernement en matière de moyens alloués à la maîtrise des feux. En 2022, alors que les organisations professionnelles de sapeurs-pompiers dénonçaient un « désengagement de l’État », Emmanuel Macron avait promis le renouvellement de douze canadairs vieillissants et l’achat de quatre bombardiers supplémentaires. Le tout à l’horizon 2027.
Depuis, les plans ont changé, note l’élue socialiste dans son rapport, qui s’est entretenue avec la DGSCGC. Il n’est plus question de renouveler la flotte entière d’ici deux ans, mais de rénover le parc actuel et de le compléter avec quatre nouveaux appareils : les deux commandés dans le cadre du programme RescUE ainsi que les deux bombardiers annulés par le décret de réduction des dépenses publiques. Autrement dit : sur 16 avions promis en 2022, seuls deux — ceux financés dans le cadre du projet européen — sont aujourd’hui garantis d’être livrés.
La sécurité civile a toutefois indiqué aux rapporteurs « souhaiter » que les crédits pour l’achat des deux canadairs manquant soient réinstaurés dans le projet de loi de finances 2026, qui sera examiné à l’automne prochain. Auprès des Surligneurs, la DGSCGC confirme viser cet objectif, qui « devrait » être atteint. Mais à ce stade, rien n’est encore inscrit dans le marbre.
Les députés de gauche jugent que « la politique menée par le gouvernement actuel n’apporte pas de garantie quant à la réalisation de ces investissements indispensables ». Le gouvernement Bayrou, qui a annoncé le 15 juillet plus de 40 milliards d’euros d’économies en 2026, cherche plutôt à tailler dans les dépenses. Mais sur le long terme, la DGSCGC ne renoncerait pas à l’objectif de renouvellement de la flotte. Celui-ci aurait lieu « à une date encore inconnue », probablement après 2033, notent les rapporteurs.
Les feux dégradent le bilan climatique de la France
Les moyens alloués à la lutte contre les incendies pourraient être déterminants dans l’adaptation de la France au réchauffement climatique. Les forêts sont des puits de carbone qui stockent chaque année l’équivalent d’environ 9% des émissions de CO2 du pays.
Mais cette capacité se dégrade : entre 2014 et 2022, les écosystèmes forestiers (sols et végétation) ont absorbé 39 millions de tonnes de carbone en moyenne chaque année, contre 63 millions entre 2005 et 2013, d’après les chiffres de l’Institut national de l’information géographique et forestière. Soit une réduction de près de 40 % du volume de CO2 stocké.
Ce ralentissement est en partie causé par les maladies, mais aussi par les épisodes de canicule et de sécheresse qui favorisent l’apparition de grands feux de forêt. En brûlant, les arbres libèrent dans l’atmosphère le carbone qu’ils avaient accumulé. D’aspirateurs à CO2, les forêts peuvent ainsi devenir sources d’émissions. Les nombreux feux de 2022 ont, par exemple, émis l’équivalent de 3,3 à 8 millions de tonnes de CO2, selon le Haut conseil pour le climat.
En cas de réchauffement planétaire à +2 degrés, la probabilité pour que des épisodes de sécheresse intense comme les canicules de 2003 et 2022 reviennent chaque année est de 12 %, selon un rapport de l’Académie des sciences. À +3 degrés, cette probabilité grimpe à 42 %. Dans un tel scénario, les fortes chaleurs pourraient se répéter presque tous les deux ans.